Un film de Hajime Hashimoto, avec le jeune Yuya Yagira, puis le remarquable Min Tanaka, incarnant Le Vieux fou de peinture. Plus un maitre, et un samouraï en rupture.
Né en 1760 , Hokusai meurt à quatre-vingt-neuf ans, La Vague de Kanagawa date de 1832.
Une biographie très restreinte, comportant les attendus du genre, le jeune révolté, les critiques des maitres, l’ambition et l’innovation contre la censure morale et le contrôle politique de l’ère Edo des Tokugawa. Beaux décors, beaux costumes, belles coiffures pour indiquer le temps et l’âge.
Comme toujours qualifié de « biopic académique », quelques nuances de couleurs positives s’imposent, dans les choix plastiques.
Du rouge (à lèvres) du jeune homme, aux maisons de thé aux décors saturés d’après la mode dans les musées de l’immersion dans l’image, la première partie est chaude.
On lutine sous un plafond au paon géant de la maison des geishas. (Le réalisateur a vu Mémoires d’un Geisha), déjà modernisée..
Dans les agapes de maisons -qui ne sont pas que de thé-, on repère Utamaro, rouge aussi, fort imbibé, et critique du « manque de vie » des premières estampes du jeune Hokusai, à cette période sous le nom de Sori, il en changea de nombreuses fois. On pourra avec délectation se repasser le chef d’oeuvre de Mizoguchi, 5 femmes autour d’Utamaro. Pour le noir et blanc !
Comme toujours les mains coupées sur les détails de dessins au pinceau fin et de gravures.
une séance pédagogique de la technique de gravure sur bois précédant l’estampage au tampon des bien-nommées estampes.
Hokusai a connu quelques notions de perspective par
un Hollandais.seul pays autorisé au Japon.
Sujets Rapidement vendus aux particuliers. Des érotiques aussi, invisibles dans les films.
Ceci est un Utamaro.. |
Les historiens ont dénombré pas moins de 30 000 dessins et peintures. on en verra trois ou quatre fragments. Des portraits d’acteurs, à l’école de son maitre Katsukawa Shunsho.
Moines aveugles examinant un éléphant. 1814. |
Hokusai moins jeune se range, par un passage méditatif au vert, Très vert, le réalisateur ose le monochrome, l’esprit souffle dans les bambous..
Découvrant la mer, autre immersion, le peintre soulève la vague (tardive) pour la suite..
Rangé et en famille, (on doute de ce style de paternité). Une fille est née, fin de la première partie. |
Le scénario ajoute l’amitié avec un fils de samouraï écrivain et peintre qui résiste aux obligations de sa caste et meurt assassiné, par le clan, au nom du père. Pour le ClanTokugawa revoir Kurosawa...
Un grand coup de rouge…
2.
On retrouve l’artiste à soixante dix ans, « le vieux fou » dans sa maison verte de la campagne. L’histoire vraie nous apprend qu’il s’y réfugia pour échapper aux créanciers de son gendre.. Il eut deux fils et trois filles par deux femmes.
Seule O-ei, (vue au berceau, grande ellipse ?), fille de sa deuxième femme eut une carrière de peintre et s’occupa de son père, lequel était capable à 75 ans de partir sur les chemins.Une bonne question, inactuelle.. |
et l’album des Trente-six vues du Mont Fuji, dont la Vague de Kanagawa (vers 1832), fait fureur en librairie.
Autre vague, moins connue, de la série Trente-Six vues du Mont Fuji. |
Un fin en monochrome bleu, après l’introduction et ingestion du « bleu de Prusse » qui qualifie le fond chromatique des séries du Fuji ( un geste de performance) post kabuki. Le médium se boit, bleu. Pas sûr que la morale soit le motif !!
Dernière séquence, une bonne idée plastique d’un « duel » entre le jeune et le vieux, sur la vague..
Avant la dernière vue du Mont Fuji.. L’artiste romantique face au monde de l’Ukiyo-e.
Ce genre de peinture de paysage fit le succès de son concurrent Hiroshige, au moment de la disparition d’Hokusai. (Aucun film ne le cite, trop intégré dans le milieu des samouraïs)
Le cinéaste aurait-il copié Caspar David Friedrich ?? |
Pour retrouver une vue d’ensemble de l’oeuvre, ouvrir le catalogue de 1980 au Centre Culturel du Marais qui fut la première grande découverte. Puis du Grand Palais de 2015.
Autoportrait à 82 ans.Nettement plus drôle. |
Dans la succession, la suite de l'histoire: la fille:
MISS HOKUSAI
Un film d’animation, Keichi Hara, 2015. adapté d’une bande dessinée.
"Ce vieux fou est mon père" |
Pas seulement pour enfants. Film super soigné qui ouvre des étapes supplémentaires de la vie et l’oeuvre d’Hokusai; le dessin animé offre une vision (critique) du peintre par sa fille O-yei,
Une créature de manga, or Hokusai inventa le terme et le concept dans ses albums en 1812: le terme signifie: « dessins rapides, pris sur le vif »
"Vos dessins manquent de sensualité". |
Quand le père toujours enivré est incapable de fournir les commandes, la fille assure la relève. Bonne dessinatrice elle se trouve, comme son père jeune, en butte aux critiques des maitres..
On croirait lire et entendre les mêmes répliques et quelques icônes..
Utilisation du portrait au miroir, autre référence au dessin déjà interprété dans le film précédent.
Période tardive donc, le scénario introduit l’incendie de la maison en 1839, et les conséquences dramatiques.
On découvre les grands moments d’invention- limite scandale : en 1817, la commande d’une image géante de Daruma, dans la cour d’un monastère à Nagoya. 240 mètres de papier, comme précédemment dans un temple d’Edo en 1805. (et quelques élèves pour porter les vases d’encre)
Daruma ou le bodhidharma, patriarche Zen du 6ème siècle. Le Dharma fut célébré pendant le shogunat des Tokugawa.
Le vrai En vente à Kyoto. |
Une étrange ressemblance avec le modèle de son autoportrait aux sourcils broussailleux et avec les Lions chinois qu’il a dessinés tous les jours à 82 ans.
Autoportrait, 1842. |
Hokusai: feuillet de "manga" |
Le Dragon.. en coproduction, très manga manga contemporain marque l’influence de la peinture Chinoise.
La grande référence du film japonais, et de l’art de l’estampe, Utamaro aperçu dans le biopic illustre aussi les principes et les conflits d’écoles; innovation contre tradition.
Le critère de qualité. |
Cinq femmes autour d’Utamaro, Kenji MIZOGUCHI, 1946,
Avec l’actrice (et réalisatrice redécouverte) Kinuyo Tanaka, vedette de tous les réalisateurs japonais, de Gosho à Ozu et de quelques cinéastes moins connus .
Le peintre, 1753-1806, actif à Edo, (incarné par un acteur déjà très vieux), d’origine plus que modeste fut adopté et fut formé dans l’école Kano, puis a développé le style de l’ukiyo-e , plus populaire et « vivant » d’où les commentaires et le premier débat du film entre le jeune peintre traditionnel et le maitre, protégé par son éditeur, et qui loge dans une maison de plaisir.
À défaut d’épées, le duel qui s’ensuit se règle à coup de pinceaux.
Le jeune, convaincu de changer de style sera viré de la maison.. |
La séquence essentielle du film met en scène le dessin sur la peau de la Geisha, avant tatouage. Image d’une divinité populaire et maternelle, qui vivra au moindre mouvement.
Plus tard Utamaro sera poursuivi et condamné (à avoir les mains liées pendant 50 jours) par la police, censure des estampes érotiques.. Hokusai y échappa, il faut voir les bouquins…
Le prototype de ses portraits de femmes apparait en vente dans le film Hokusai.. une mode très présente. Le tatouage donna naissance à nombre de film japonais, et même au « Pillow book » de Peter Greenway en 1996. Depuis le tatouage se porte partout….
Le Mont Fuji, estampe, peintre anonyme. |
L’exportation vers la France et l’Europe des estampes, les peintres étaient nombreux, influença l’art des Impressionniste, Degas et Van Gogh en particulier, depuis l’exposition universelle de 1867; les critiques de l’époque et Edmond de Goncourt se chargèrent de la publicité..
Dans les décennies suivantes, le Japon, enfin ouvert, exporta ses artistes « modernes ».
(Voir mon Blog, Carnets de voyage, Japon, 2019)
Ce conflit entre écoles occupa tout le siècle en Asie, comme en face, la Corée.
Le genre film de peintre a trouvé son héros, et son chef d’oeuvre, Prix à Cannes en 2002. et donc pas médiocrisé par la critique, comme biopic, mais vu comme fresque historique.
On retrouve les questions esthétiques, associées aux échanges commerciaux, puis aux luttes politiques.
IVRE DE FEMMES ET DE PEINTURE,
Im Kwon-taek, 2002, avec Choi Min-sik. (le futur Old Boy)
La Corée n’étant qu’à une portée d’arquebuse du Japon, elle bénéficia de l’influence artistique du Japon, un art de la peinture qui d’ailleurs, comme la religion fut apportée par la Chine.
Ce film illustre et fait vivre intensément la vie du peintre Jang Seung-ub, dit Owon, 1843-1897.
Soit donc dans la suite des créations d’Utamaro et Hokusai: les mêmes thèmes, paysages, fleurs et oiseaux, sur panneaux, et paravents pour Owon.
Et surtout un vie menée selon les « principes fondamentaux » de la vie d’artiste, les crises, éthyliques et morales. Débauche de papier !!! Artiste maudit…
Reconnu et devenu peintre du roi, Owon a le droit au drôle de chapeau noir en crin de cheval, il continue ses fugues..
Un autre débat au Japon comme en Corée: la pointe du pinceau ou le pinceau entier.....
Superbes scènes de dessin et peinture, un artiste et un professeur s’en chargèrent, dans la durée, coupables de faux, selon les critères d’Owon,
Les décors en partie dans des villages « reconstitués » dans Séoul et les sites touristiques voisins: beaux paysages.. (voir blog Corée), on s’y promène, les artisans font de la figuration.
Pour le plaisir, quelques images marquant les ressemblances de la tradition picturale. Les spécialistes pourront critiquer… Le « Qi » en peinture se pratique encore dans les universités de Séoul. La preuve:
Magasin de fournitures, Séoul, 2005. |
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