dimanche 28 mai 2017

Un RODIN besogneux




Annoncé comme un biopic différent, le film de Jacques Doillon en conserve tous les attendus:



Scènes de couple (et de ménage), alternant avec des séances d’atelier. Quelques noms de l’histoire, rapidement cernés par des acteurs très engoncés dans leurs costumes, mais pas de « Salons » mondains. Un film « de chambre».
Les années 1880 étaient assez austères. En témoignent les étreintes assez chastes en chemises et pantalon.  
Les charmantes créatures des dernières séquences rajeunissent un peu l’ambiance. Les dessins érotiques de cette période ont le mérite de l'authenticité, cependant une main secourable double l'acteur (un standard).

Rodin: "La pensée", montage de Camille avec la main d'un Bourgeois.

On félicitera le travail des décorateurs et costumiers; la remarquable lumière et les contre-jour dans l’atelier des marbres, sur un fond de Porte d’enfer, work in progress auquel s’occupent le maître et les assistants. 

Du point de vue technique (de la statuaire) les étapes et méthodes sont conformes, modelage, mise au point pour l’édition en marbre, 

Balzac au pilori.



à l’exception de quelques ébauches assez médiocres. Qu’il est difficile d’ajuster une tête sur un corps !, (commentaire d’une demi-pro de la question). Décapitation bienvenue…



Quelques moments « héroïques » et célèbres, les affres du Balzac et sa robe de chambre, ou nu confronté à une femme enceinte.
Vincent Lindon s’y attaque avec énergie, détermination, l’oeil mauvais, le plus souvent d’en bas, ce qui surprend. 
Rose, la femme à l'enfant.

Le problème de tout film sur l’art, c’est la vraisemblance d’une ressemblance avec le modèle, et malgré un travail remarquable, on ne voit que Lindon sous sa barbe, l’oeil un peu creux de chien battu. 

Finalement les biopics-fictions moins sérieux n’ont pas cet inconvénient, sauf a trouver de parfaits inconnus. En cela Camille, Izia Higelin, assez proche de la vraie, passe mieux, et l’on peut admirer le rôle très ingrat de Rose, Severine Caneele.

Isabelle Adjani était plus drôle en inventant « les Trois ombres » , et paradoxalement la Camille recluse dans son asile, incarnée par Juliette Binoche dans le film de Bruno Dumont, nous confondait.



D’accord, c’est Rodin le sujet, Camille disparait brutalement, les rares oeuvres qui sont montrées ne sont pas à son avantage, petites esquisses, plâtres, y compris pour «L’implorante».



Seule « La petite châtelaine" entre deux portes fait juste. Réalisée au Château de L'Illette, en 1893.


Camille Claudel: "L'âge mûr", ou "La destinée", ou "Le chemin de la vie", plâtre, 1894.

Le film m’a paru long et assez répétitif : des séquences de séances de travail entrecoupées de graphismes blancs sur noir anachroniques , des électroencéphalogrammes des états de la passion ???
Rendons hommage à la photographie de Steichen, plutôt qu’au Balzac du musée japonais.
Comme toujours, rendez vous au musée…

Steichen, 1908, "Howard the light, Midnight", 19,4x21,2cm, Musée Rodin.