samedi 20 novembre 2021

L' ART au Second degré, PASTICHES.

Séquelles du confinement, trouver par un heureux hasard sur le petit écran des « films sur l’art » pas sortis en salle, pour actualiser le blog en jachère consacré aux artistes « plasticiens » que le film montre au travail:  des inédits donc. Toujours une histoire de l’art en réduction, des variations et remakes sur les poncifs. Les « affaires » de l’art occupent les journaux le plus souvent sur les records financiers et quelques scandales.  

L’Art et l’argent, l’art et la politique.


Dans la catégorie les faussaires (voir blog 2015), la nouveauté tient à l’intégration de modes récentes du cinéma américain, le film de procès historique (ou pas) et la recherche des oeuvres spoliées par les nazis, aux juifs et dans les églises: logiquement les chefs d’oeuvres des Écoles du Nord, et d’Europe centrale.  On peut voir G.Clooney (Monuments Men, 2014) retrouver le retable de Gand et une Pieta de Michel Ange; Helen Mirren revendiquer dans un procès le portrait de sa tante par Klimt (La femme au tableau, S Curtis, 2015): Des noms célèbres dont les biopics se sont déjà chargés de sensibiliser le grand public.


Faux.

D’après « The man who made Vermeers » de Jonathan Lopez, 2009, un biopic partiel, quand deux documentaires ont été réalisés sur HVM longtemps après la citation dans les Fake  d’Orson Welles,  1973: Vérités et mensonges.   Truquer le titre  pour la com:

 1. Le dernier Vermeer :  


Dan  Friedkin, US, 2019, un film co-produit par Ridley Scott (!)

ou l’histoire du procès de Han Van Meegeren : un casting tendance multinationale:

Guy Pearce improbable, surjoue en dandy excessivement perruqué et arrogant, défendu par Claes Bang, le bon militaire défenseur de l’art, un grand connaisseur, puisque dans The Square, il fut directeur de musée.

Vicky Krieps, nouvelle star libérée de Daniel Day-Lewis (Phantom Tread) et de Karl Marx (R Peck, 2017), retrouve August Diehl, ici policier tenace qui veut la tête du faussaire. 

Un second couteau, R. Moller témoin actif, et quelques têtes compatibles de juges et de conservateurs. 


On connait l’histoire, Han Van Meegeren (1889-1947), mauvais peintre aux Pays-Bas, trop influencé par Van Gogh, se spécialisa dans des copies ou pastiches de l’illustre Vermeer  (en 1935, le peintre « découvert » faisait l’objet de publications et de ventes) et de ses contemporains. 

Le Christ chez Marthe et Marie, 1655.




Techniquement indécelables (esthétiquement, on n’en croit pas ses yeux) il vend en nombre des pastiches (certaines toiles sont encore dans des musées) et en particulier aux Allemands pendant l’occupation. Goëring avait payé un « Christ et la femme adultère », une somme faramineuse. 

L’oeuvre retrouvée dans un train à la libération déclencha un procès à l’auteur pour collaboration avec l’ennemi, passible de mort. (Scènes d’exécutions comme au bon temps du film de guerre).






La défense se porta sur la démonstration que la peinture était un faux, comme nombre d’autres, et la preuve en fut donnée -un fait exact- par l’exécution en direct d’un autre thème biblique : « Jésus parmi les docteurs » , tout aussi hideux. Des sujets inédits d’une supposée série religieuse en grand format du début de la carrière de Vermeer. Un seul exemple , Le Christ chez Marthe et Marie. Authentique.


Le vrai Van Meegeren à l'oeuvre, 1947.
Dans le contexte actuel, on soupçonne une légère dénonciation du marché de l’art défendu (par des critiques et experts soit aveugles soit corrompus). S’ensuivit le désastre dans les musées qui les exposaient encore et l’éloge des méthodes récentes d’analyse scientifique. Ouf, l’art authentique sera sauvé.

Mise en scène standard, des décors impeccables, la prison et l’éclairage sur le peintre,  maisons hollandaises, en opposition aux grandes fiestas dans les villas: opportunisme sans autre idéologie que l’argent, et mégalomanie, quelques égéries, un nu : en clair la fortune, aux deux sens. Coté peinture, la toile en cours à peine visible, suspense, les faux sont aussi « bons » que les oeuvres présentées au procès de 47: une reconstitution à l’identique des photographies prises à l’époque. 



Le procès , photo d'époque, authentique..
Rien à dire, on ne s’ennuie pas vraiment, on sourit peu, c’est assez austère, les dialogues sont caustiques.  Période Guitry ? Et l’acteur n’engendre ni sympathie, ni pitié. 

Après le coup de théâtre final, une peine de prison légère pour usage de faux, manque de chance, le peintre mourra d’une crise cardiaque à sa libération.


Or donc, Vermeer rapporte encore sur le marché du cinéma, la preuve, un pastiche.



 2.  TULIP FEVER



Un film de Justin Chadwick, GB/Us, 2017.

avec Alicia Vikander, Dane DeHaan, Christoph Waltz, Judi Dench, Tom Hollander, …..


Vermeer n’étant pas encore oublié, à défaut de rejouer l’auteur de La jeune fille à la Perle, la fiction invente un clone ou du moins un peintre de l’école hollandaise qui fait l’objet d’un film artistico-historique, d’après Le peintre des vanités, roman de Deborah Moggach, 1999.



Comme La jeune fille, c’est une variation historique autour de la peinture de genre, agrémentée de péripéties passionnelles, et de roueries très XVIIè siècle, le scénario digère Molière, le barbon et la servante maitresse, dans un contexte économique jusque-là inconnu: la spéculation sur les bulbes de tulipes, non encore écloses, serait-ce une métaphore de la spéculation sur les oeuvres, et un clin d’oeil aux envolées du marché actuel - y compris des mères porteuses.




Amsterdam, 1656.

 Le jeune peintre Van Loos, genre Vermeer, catholique, est invité à faire un portrait double du bourgeois veuf qui vient d’épouser Sophia une jolie orpheline, sortie d’un couvent. Belle maison (recyclage des décors de la JFP?) et belle servante courtisée par un beau livreur de poisson, malencontreusement expédié aux galères..

Le peintre tombe amoureux de son modèle, et réciproquement. Jusque-là rien que d’ordinaire, mais la peinture ne se vendant pas bien, faute de commanditaires, le peintre s’engage dans une spéculation effrénée sur le prix des tulipes, dont les bulbes sont cultivés à l’intérieur du couvent de notre bonne Mère Judi Dench, un avant-gout des stratégies de l’espionnage industriel. L’église est corrompue par l’argent, non?


Ventes et rixes sous les halles, tableaux de genre du plus pur style flamand. 
Cependant la belle épouse qui pose en solo et sans vertugadin, pour se débarrasser du barbon et s’enfuir, organise un échange avec le bébé à venir de la servante: scènes chaudes. Jusqu’au krach boursier, Suspense et péripéties malencontreuses, on passe à coté d'une fin à la Roméo et Juliette, car la morale chrétienne est salvatrice.

Dernière scène, le peintre sur l’échafaudage au sommet du transept croit voir passer Sophia repentie et rentrée au couvent. Quant au vieux faux père, il pouponne..Je soupçonne l’auteur d’être plus féministe que la romancière.

Bon décor, bons acteurs, on s’y croirait, dans la qualité GB: Justin Chadwick habitué du « film à costumes » réalisa Deux soeurs pour un roi.  Alicia Vikander, nouvelle star intégra la famille des artistes peintres (The Danish Girl, Tom Hopper, 2016, voir blogLGBT, 2016)

Christoph Waltz en fait un peu moins que d’habitude, le peintre mignon est très fade, la super bonne et son ami très dans l’époque. On ajoute des peintures correctes, vous avez bien compris la référence, mais aucune « Vanité ». Pour la spéculation économique, il faudra enquêter..

Dans le « trop » rencontré sur le câble, un anonymat, autre forme d'alias et d'usurpation. Les faux noms de vrais artistes et la naissance d'un concept.


3. Un biopic historique:  art et politique en Allemagne.


L’oeuvre sans auteur .  Werke ohne Autor.


 Un film de Florian Henckel von Donnersmarck, 2018, All/Italie. En deux parties, 3h09.

avec Tom Schilling ( Kurt Barnert ), Paula Beer, Sebastian Koch, Oliver Masucci, Hanno Koffer..;



Hasard du zapping à l’heure du couvre feu, une séquence de peinture de portrait m’avait fait rester sur le film, sans donc en connaitre le début, le contexte, l’auteur ou le synopsis. Pour le coup,  une oeuvre sans auteur. Un manque comblé depuis. 

De l’ambition d’un film politique sur l’Allemagne - les deux Allemagnes des années 40 à 66, par l’auteur de La vie des autres, on tombe sur un biopic d’artiste contemporain vivant -une rareté- dont je n’ai identifié le modèle, Gerhard Richter, que dans la deuxième partie, quand l’artiste à Dusseldorf réalise les peintures floutées à partir d’agrandissements photographiques en noir et blanc.  


Un « Panorama » au Centre Pompidou en 2012 commençait par cette période, connue dans les histoires de l’art depuis 70, et au programme des cours d’arts plastiques.

Les biographies ne retracent que de manière elliptique le parcours antérieur de l’artiste, le «traumatisme d’enfance», puis la formation à Dresde, son mariage avec la fille d’un gynécologue eugéniste compromis avec le nazisme. Ses qualités de peintre gagnent son engagement officiel pour des fresques réalistes, avant son passage à l’ouest, avant la construction du mur,  pour rejoindre Düsseldorf. 

 

Le kit pour identifier le faux Beuys...

Cette histoire « antérieure » que développe le film dans sa première partie fut gravement assassinée par les critiques (le film est sorti en France en Juillet 2019). Gerhard Richter lui-même a dénoncé la réalisation, exigeant que son nom ne soit pas cité, que les oeuvres ne soient pas reproduites,  alors que -semble-t-il- certains artistes mis en scène aient accepté leur place, remerciés au générique. Toute référence sera contrefaçon, habile .


 Toutes tentatives pour se trouver..

Or donc, suivant les standards du biopic, s’articulent les séquences d’atelier et les scènes intimes, les conflits entre protagonistes de la scène artistique, et le contexte socio-politique. 

La passion, scènes d’un érotisme de bon ton, entre le jeune peintre et la jeune fille soumise au père fasciste, l’avortement forcé (ellipse). Puis après le mariage et la fuite vers l’ouest, les petits travaux alimentaires, dégradants pour lui, épuisants pour elle qui voulait travailler dans la mode Enfin la reconnaissance du milieu couplée à la fécondité retrouvée en 66. Happy ending.    Pour la suite de l'oeuvre  de Richter, il faut ouvrir les catalogues.



Restent donc des références à une histoire de l’art plus contemporain avec l’importance croissante des scènes d’atelier dans le déroulement du film. Que soient ici félicités l'équipe des «petites mains   coupées » qui ont réalisé les  oeuvres  en cours, "à la manière de", très efficaces. On les oublie souvent, et avec le temps ils sont de plus en plus crédible. Ici les séquences peinture tiennent le récit.

À l'image de la fiancée.



On commence donc avec des petits formats dans un style réaliste socialiste, qui culminent (avec échafaudages) dans les fresques du « Musée de l’Hygiène de Dresde, 1956, 

passées au blanc après sa fuite. 








Duel par l'image:


Le beau-père officiel.










Figure de l'interdit, idéologique et politique le beau père prend un place dans le scénario:

Un premier portrait, sert de sésame, entre vision critique, et chantage, puis les photos d'identité   sont exploitées comme une dénonciation politique du régime antérieur. Une façon de mettre en valeur l’acteur bien connu  (et même le seul du film)  pour des rôles peu sympathiques.





Phase 2.  La conscience.



S'interdisant la peinture, le jeune homme après inscription à l’École de Düsseldorf (noyau et le ferment de tout l’art contemporain en germe dans les années 60).  s'essaie comm tous les élèves aux genres, abstraits, gestuels, informels  à la manière de..


un compactage des réelles rencontres, au profit de quelques poncifs de toutes les tentatives innovantes anti-convention validées ou non par le directeur: 

On découvre alors les séquences de mise en scène des cours du professeur « Antonius von Verten » (Joseph Beuys, identifiable au chapeau, parfaitement odieux et qui doit se retourner dans sa tombe).


Interessé par Kurt, il se livre au récit de son sauvetage par les Tatars de Crimée : "je ne sais rien d'autre que la graisse sur mon crâne". Encore à vif, on sait maintenant pourquoi le chapeau..


Intermède exotique.

Du positif: la redécouverte de Gunther (Preusser), Gunther Uecker,  l’homme aux clous, l’ami bienveillant.  

 Le faux Gunther Ecker.

Après « l’heureux hasard de la fenêtre ouverte », un style s’affirme et s’adapte au contexte: succès d'une recherche par d'excellents plans de dessin et de peinture (main coupée). 

L'assassin condamné. première photo de presse.


Le film montre la conception de la version du « Nu dans l’escalier », d'après la prise directe de la femme. Revanche sur l'escalier réel, sur la douleur du couple.   Et référence à l'ancêtre..

 


Cette dernière oeuvre ouvre l’exposition dans la première galerie d’un ancien condisciple, la présentation sous forme de dialogue avec un critique et des journalistes,  reprend le commentaire extrait des entretiens avec Richter dans le catalogue raisonné 62-93. 
Authentique

        « Maintenant je vais m’intéresser aux plans de couleur pures ». Richter, 1966. 


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