lundi 22 novembre 2021

Ciné déconfiné: Wes, les fous et l'intranquille.

The french dispatch.

Septembre 2020, puis 2021, les films ressortent avec un an de retard sur leur production. Avec soulagement on peut découvrir en salle les « on-en-a entendu-parler » -ou pas, et quelques figures d’artistes, encore assez « maudits » de films qui le sont moins.  

The French Dispatch

Novembre 2021, la surprise: à rebours de son esthétique animation 2D graphique et narrative, le dernier Wes Anderson se construit autour de trois séquences totalement hétérogènes et parodiques des genres de reportages d’une revue culturelle « française », (les fans auront reconnu The New Yorker, et sa charte illustrative). 

Hommage à Angoulême, capitale de la BD, mais sujets parisiens : Un Mai 68 sur le mode mineur : au lit avec Timothée, serait-ce Marguerite, ou Simone ou encore Hannah?

La gastronomie (nippone) versus polar en noir et blanc. Noir le reporter, (privé de OO7-RIP), perdu dans les dédales d’un Quai des Orfèvres, s’embarque dans la poursuite du ravisseur du gamin du commissaire (un sujet plutôt US). À revoir, ça va trop vite. Bill serait mort, mais c’est pas vrai.. Passionnant pour les inconditionnels de Wes, dont je suis.

Vision plafonnante.
Le premier « reportage » du film dans une prison au plafond fort inspirant (au moins autant que la gardienne) offre un télescopage de l’art supposé contemporain et de ses mythologies très antérieures:  

Le peintre est un malade mental, ici incarcéré pour meurtre sanglant, la faute à la peinture au couteau, qui a connu « La Ruche », dans sa version fumette 60.

"Atelier parisien"
Ce fou dangereux génial, sort de sa camisole pour les séances de pose de son modèle nu: agrégat informel (pas Léa). On citerait Dubuffet et l’Art Brut (très brute épaisse, taureau comme l’acteur, un nouveau dans la bande de Wes). Des séries répétitives, obsessionnelles, autre poncif et le format mural, expressionnisme américain.

La logique de défense du génie artistique passe par l’entremise du galeriste (juif) momentanément en tôle pour détournement de fonds et de la grande mécène qui à terme obtiendra le démontage du mur pour une fondation génialement présentée par Tilda S.  

À considérer l’échelle du projet, on quitte la France des années 60 pour les modes américains de la promotion de l’art. Les amateurs peuvent citer des noms, les ciné-maniaques en trouveront d’autres…

The French Dispatch , Wes Anderson, 2020, avec (entre autres, évoqués ici) les habitués , Adrian, Bill, Bob, Edward, Frances, Owen, Jason, Tilda, Willem etc , les nouveaux, Benicio del Toro, Léa Seydoux, Jeffrey Wright, Timothée Chalamet, Christopher Waltz; en hommage aux locaux, un lot d’acteurs français, Amalric, Cecile de France,  G.Galienne, Hippolyte G, et en seconds couteaux, rôles de flics Denis Ménochet et  Damien Bonnard. 


Bonnard, ici sans rapport avec la peinture, mais si, mais si: 

Pierre Bonnard (1867/1947) fut un magnifique peintre de la lumière et de la couleur, à ma connaissance n’apparait dans aucune fiction. Damien, peintre, si.


Les Intranquilles.


Un film de Joachim Lafosse, 2019, sorti en 2021, avec Damien Bonnard, Leila Behkti  Patrick Descamps et le petit Merz Chammah (grand-mère célèbre, toujours le réseau).

La peinture comme alibi et corollaire de la « bipolarité » : version contemporaine médicalement identifiée des troubles psychiques usuels, névrose, psychoses, hystérie dont furent gratifiés les artistes qui intéressent la fiction.

Dans un parcours « sinueux », DB, connu pour d’excellents seconds rôles fut élève des Beaux-Arts et continue à peindre. Les toiles sont de lui et d’un ami,  Piet Raemdonck. Pas besoin de doublage, d’une seconde main, et donc les scènes d’atelier, un peu de profil, satisfont au contrat. Mais le sujet est ailleurs: l’amour salvateur.

Donc il fallait cette pratique créatrice pour étayer un scénario qui vise essentiellement une relation de couple, une épreuve à surmonter, en famille restreinte, la femme, (restauratrice de meubles) le fils, le père et off, le galeriste. Situer le huis-clos de l’atelier et du domaine en campagne, un contexte assez idyllique plutôt années 80; selon le style de la peinture -figurative évidemment. 


S’il est pensable de s’acharner sur une toile, mieux vaut être bipolaire artiste que dentiste.

Toute sortie en voiture ou en mer est une prise de risque, pour les siens aussi: un challenge de dépassement que l’acteur très investi commente dans les entretiens. 


Le rôle du galeriste vaguement ami n’a rien de vraisemblable. On verra des grands formats emballés, et un seul point de vue d’acharnement répétitif sur une toile en cours et quelques fragments de croquis, déchirés.. 



 Artistes de fiction: Théorie et principes, rappel.

L’artiste (plasticien-ne) de fiction, biopic compris, répond à un cahier des charges:  

ici des images extraites du film consacré à Antonio Ligabue, infra.

1: Psychologiquement instable, constitutivement ou en fonction des circonstances historiques, lesquelles sont bien évidemment dialectiques.
2: Travaille visiblement dans un atelier : scènes obligatoires avec ou sans modèle. Corollaire: l’art conceptuel n’existe pas, d’où la restriction des références et le ressassement des grands figuratifs défunts.

3: Vit dans un réseau mondain au sens large, la ville, le monde, le milieu des artistes, du bistrot à la galerie.

4: Dépend d’un succès sur le marché, entre la communication (de préférence en échec) et le système économique dominant pour l’artiste en son temps. 

Sur ces quatre bases du menu, on bricole, on combine de nouvelles recettes, plus ou moins digestes: on ajoutera les péripéties amoureuses, variables, les crises et le destin

L’ancrage historique, le siècle, le décor et les costumes s’adaptent aux besoins du scénario.(voir Article précédent).

5 : Le film doit correspondre à une actualité « bancable » : la légende, la mode, les musées, les revues et les acteurs et actrices. Pour l’industrie du cinéma, on opte pour plusieurs genres au choix: la biographie, le roman historique, le polar et le film d’horreur. (Ceci est développé dans les 10 années du blog). 

6. Des Acteurs, des noms. le choix des acteurs et surtout actrices, souvent recyclés dans des rôles types, avec quelquefois des « circonstances atténuantes » : certains ont été de vrais peintres comme Dennis Hopper, ce qui est aussi le cas des réalisateurs des films sur l’art, comme Derek Jarman, d’actualité pour une exposition des peintures.. 


3.  NÉO  BIOPICS. 



Une vie, une oeuvre sur plusieurs années en fonction aussi de l’âge de l’acteur. Deux italiens et deux très bons films, dont un inédit totalement méconnu dans l’histoire de l’art. 


« JE VOULAIS ME CACHER »

Un film de Giorgio Diriti, 2019.

avec Elio Germano.  Mario Perrotta , et des inconnus. Biographie du peintre:

Antonio Ligabue, 1899-1965.

né en suisse alémanique, gravement abimé dès son enfance misérable. Balloté par la question politique des frontières au moment de la guerre 14-18, se retrouve placé en Italie.   

Commencer petit..
Considéré comme infirme, déficient mental, vit dans les bois, aux abords des fermes, ou dans les écuries, puis grâce à un artiste, Mazzacurati, qui reconnait la valeur artistique des peintures et petits modelages, s’installe en ville, en alternance avec des séjours à l’hôpital psychiatrique.  

Vincent en vignette.
 Plus ou moins entretenu par les gens du village, puis enrichi après une exposition à Rome, déjà assez âgé  il s’entiche d’une femme -vénale et un peu fatale, allusion à la culture italienne de la Madre (et la quête analytique de la mère qui l’a abandonné….)

Fin tragique après une paralysie qui l’empêche de peindre. 

Comment rejeter les acheteurs potentiels..
     Considéré comme « naïf » dans son oeuvre , 



il avait vu des reproductions du Douanier Rousseau, sa peinture représente surtout des animaux sauvages, des auto-portraits. Van Gogh a encore frappé. Ligabue fut rattaché au courant des artistes des collections de l’Art Brut .


Cependant un film excellent, dans la veine du cinéma italien sociologique romancé des années 70. 
La ville de Reggio d’Emilia, les villages et les paysages du Po, l’ambiance rurale rappellent  l’Arbre aux sabots , Ermano Olmi, 1973, les fermes aux cours fermées de 1900 de Bernardo Bertolucci.



La performance de l’acteur,  Elio Germano (Ours d’argent à Berlin) tient le récit de bout en bout.  Des reproductions, et des originaux.  




La dimension caractérielle du personnage au physique ingrat, n’est pas sans rapport avec celle de l’acteur qui incarne Michel-Ange, dans sa hargne, et la crise permanente, un film sorti à la même date:

Michel-Ange, (il peccato), Andrei Kontchalovski, 




Avant goût des critiques «  Obsessionnel, paranoïaque, visionnaire, « dantesque", je cite.

mais on ne joue pas dans la même catégorie...


à suivre.....





 

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