mardi 12 février 2019

ART/argent/Truands, dans le cinéma de fiction.

                       Un coup de maître et Un beau voyou :
Un grand canyon argentin.
Des sorties récentes réactivent un grand leitmotiv du milieu de l’art qui a fait recette, et toujours avec une bonne dose d’humour, depuis les années 60 en France, La métamorphose des cloportes -un titre génial- et qui englobe le vol des tableaux et de bonnes histoires de faussaires.   (voir archives 2016 du Blog) 
Les chaînes câblées ressortent aussi leur lot de succès: 

Dans la production cinématographique des années 80, grand boom de l’art contemporain le prototype dans le mixte polar/art  serait Thomas Crown, John Mc Tiernan, 1999, voleur et faussaire dans le cadre du MET de New York;
 ou
Une belle performance de Daryl Hannah, mouvance féministe.

  « L’affaire Chelsea Deardon » , Ivan Reitman, 1986, dont le générique de fin donne la liste des oeuvres et des prêteurs de la galerie. Toute la première moitié du XXè défile: une synthèse historique des noms connus. S’y glissent deux «faux » de circonstance, le Giacometti géant qui devient échelle de pompier, et un pseudo Stella encrouté qui recèle la toile supposée brulée de l’escroquerie à l’assurance. 
  

                      Un coup de maître ,   

Détail de la toile de Carlos Gorriarena.
Gaston Duprat, Argentine, 2018. Guillermo Francella et Luis Brandoni.

Le film s’ouvre sur la présentation en musée d’un paysage du peintre  Renzo   
et le flash back sur l’ascension de la cote de l’auteur, après sa fausse mort, orchestrée par le galeriste Arturo. 
Tous les poncifs du milieu et des anecdotes de l'art contemporain s’enchaînent: 
déclarations post duchampiennes, conflits entre galeristes, et clients, coup de fusil pour « actualiser » une toile, l’ajout obscène sur une commande industrielle supposée renflouer le duo (une bite déja vue en vrai chez Araki, et dans « Mon pire cauchemar ») 


L’artiste est par principe anarchiste -au moins un temps.., et le galeriste obsédé par l’argent.
Du 50/50 bien connu des contrats et dans le duo d’excellents acteurs.
Pass le critique de service et un aspect d'un art plus "in":
chaussures de sport transformées en sculptures.

Quelques ajouts sentimentalo-burlesques sur les amours de la jeune "assistante" et une scène de restaurant très début de XXè siècle. 
Le peintre "disparait", les enchères montent, des contrats fumeux, des chiffres en phase avec le marché actuel.


Coup de pinceau, coup de fusil, Coup de théâtre: 

Le dérèglement provient du jeune idéaliste, élève d’un jour contraint de réaliser «le Vide » puis « le Plein » de l'atelier (pulsion sadique)
qui fut renvoyé à des activités humanitaires.  Il revient dénoncer le coup monté. (l’acteur espagnol  Raul Arevalo à contre-emploi assez ridicule mais bankable à l'international) 
Le procès aboutira pour les gentils truands à des «travaux d’intérêt général », une peine encourue naguère par Berlusconi.


Tout roule, bons décors, bons acteurs, mais rien de passionnant, hélas, sauf les peintures, vues tout au long du film, du peintre Carlos Gorriarena- fort intéressantes dans une tendance figurative des années 80/90.

Les doigts dans l'engrenage.
Le binôme Duprat et Mariano Cohn, scénariste réalisèrent deux films précédents  dans lesquels l’art joue un rôle prépondérant:

                                         « l’artiste » 

Un flm de Gaston Duprat et Mariano Cohn , Argentine/Italie, 2009. Avec Sergio Pangaro et Alberto Laiseca. 
Une réception mitigée des critiques de cinéma de l'époque, identique : la critique de l’art contemporain est "soit convenue soit trop stéréotypée": les poncifs du parcours de l’accès aux galeries, le rôle du critique informé, le rôle du marché sont tournés en dérision. 
Les regardeurs ??
Pour les acteurs de l’art actuel, cette critique était jouissive au second degré par son humour corrosif, couplé à une fantastique performance de l’acteur qui incarne l’artiste/autiste -des mains extraordinairement expressives, en opposition au blocage du visage et du corps sur fauteuil roulant.  Le coup de maitre souffre de la répétition du principe. 
Scénario : Un infirmier d’hospice gériatrique, Jorge Ramirez « adopte » Romano, un patient autiste, dont l’expression ne passe que par des dessins. Pour divers raisons financières et autres, le soignant présente dans une galerie contemporaine - sous son identité- les dessins de Romano qu’il a stocké jour après jour dans un placard. Après quelques diffcultés, il obtient une exposition, des rencontres dans lesquelles seul le mutisme -considéré comme une posture artistique- lui permet d’échapper aux bavardages des vernissages ou de la télé.
 Les commentaires de spécialistes dubitatifs, mais « au cas où » soutiennent le travail, l’historien d’art se charge de la communication. En bout du parcours de légitimation, présentations, vernissages, catalogue, prix (Jorge gagne une voiture, comme dans un jeu télévisé) exégèses diverses, « l’artiste » est invité en Italie pour ce qu’on nomme une résidence. 
Le vieux Romano en profite pour mourir subitement avant le départ..... fin ouverte dans une chambre close. 
Se pose donc la question de l’authenticité du créateur, ici totalement muet sur les raisons, la méthode ou le sens du travail, mutisme lié à une inculture totale, le regard sur les oeuvres montrées dans la galerie est de l’ordre de sa stupidité  et les pièces montrées ont le même effet sur la plupart des visiteurs : la galerie est plus blanche et morbide que la salle commune de l’hôpital. Comme est transformé en « white cube » l’appartement vieillot. 
La singularité du parti des cinéastes tient dans un principe inédit, ne donner à voir que les hommes, jamais les pièces à conviction :
Les séquences de travail du vieux malade sont enregistrées de manière frontale, les feuilles étant invisibles, seuls les gestes, leur rythme compulsif, virgules et traits violents sont enregistrées par une caméra qui s’attache aussi au visage fermé- en opposition à l’expressivité des mains. Gros plans superbes qui permettent de projeter mentalement le tracé qu’on ne voit jamais ( et qui n’a rien à voir avec les lignes courbes de l’affiche). 
Un même discours sur l’art sous-tend les deux films : livrer au public une évaluation du « non-sens » de la production de l’artiste. 
Soit vraiment inconscient, soit stratégie de communication., au profit du marché.



                                       Citoyen d’honneur,  

2016,  avec Oscar Martinez (l'écrivain)  obtint un prix d'interprétation.


Mariano Cohn et Gaston Duprat  mettaient en scène un écrivain argentin , vivant en Europe et "prix Nobel de littérature" qui retourne dans sa ville d’origine, pour diverses célébrations.  Séances d'interview lamentables, pseudo conférences, inauguration d'un monument. 
Propulsé critique pour un prix de peinture, (un débat sur des croûtes impayables que les élus remplaceront par les pires). 
Il sera chassé (au sens littéral du Comte Zaroff) par les édiles politiques corrompues et des "anciens amis" fachos sous la coupe du prof de peinture local:  

dénonciation des restes d’une dictature. Du monument à sa destruction. Parabole terrifiante… Un vrai film politique.

                          Un beau voyou

ou le retour d’Arsène Lupin: 
Un film de Lucas Bernard, 2019, Charles Berling, Swann Arlaud, Jennifer Decker et Jean.G Chatelain.

Le policier à la veille de la retraite enquête sur la disparition de plusieurs toiles contemporaines,  qui ont toutes le mérite de n'être "pas chères" (no comment sur le niveau esthétique des croûtes réalisées pour l’occasion ;



l’ auteur est cité au générique de fin sans qu’on sache si les énormes toiles figuratives dignes d'artistes chinois, que le galeriste-peintre qui s'autocensure  sont du même artiste, auquel cas c’est un bon faussaire.

La restauratrice de choc.
Des rôles douteux de galeristes en augmentation

en proie aux problèmes de financement : Dans la maison, F.Ozon, abandon de la peinture pour du pseudo design; plus cocasse, Anne Fontaine :   Mon pire Cauchemar , qui bénéficie de la Fondation Cartier pour exposer Pierrick Sorin: enfin du contemporain.


En l’occurence, le voleur est le copain très "monte en l'air" de la restauratrice de tableaux, (une plastique superbe), la fille du vieux galeriste qui n’ose pas monter ses propres toiles.  La filière est simple. 
Du dialogue entre le flic, que l’ex-femme cultivée a sorti dans les musées, et le vieux galeriste (excellent) ressortent deux noms: Pollock et Rothko,  une citation plus conceptuelle, Opalka dans le top ten, et un nouveau dans la liste: 
« Et Valloton, c’est connu ? ».  (une exposition a eu lieu au Grand Palais en 2017).

Le film débute dans le Musée Bourdelle qui sert d'atelier de restauration et se termine dans la Villa Cavois, de Mallet Stevens, à Croix près de Lille.
 Bon encadrement pour un petit polar sympa… parfaitement immoral, et assez travail d'amateur. 

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