lundi 18 février 2019

ART CONTEMPORAIN et critique au cinéma.



      The Square et Manifesto, deux synthèses (critiques) d’une histoire de l’art remixée, 
      du contemporain, enfin qui oblige à fouiller dans les archives.

                                    The square.    

film de Ruben Östlund, 2017, avec Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West. 
Diffère de tous les films « sur ou avec l’art » des décennies précédentes: l’acteur central est conservateur de musée, au carrefour des intérêts financiers, des artistes, personnels, et journalistes. 

Tout le scénario se construit autour du projet du Carré: The square, une oeuvre inspirée de « l’esthétique relationnelle », théorisée par Nicolas Bourriaud, en cours de montage, telle que la commente le conservateur.
Dans le contexte du musée (cube blanc) et de l’institution, l’aspect sociologique déborde les anecdotes, la prise de conscience du conservateur (excellent) est provoquée par le monde extérieur,  l’intégration d’une aventure -même pas sentimentale- et une surrection des catégories des pauvres et immigrés dans un monde confortable de l’argent, lesquels étrangers opèrent par des ruses équivalentes, performance, action, vol et chantage.  Du relationnel en live.

Entropie et recyclage.

Sur la facade, titre et auteur ( X.Royal (!) de l'installation en cours.
Le film ouvre sur le déboulonnage d’une statue royale équestre devant le musée qui affiche le programme de l’exposition  d’un artiste « X-Royal ».  En l’occurence Dominic West, qui serait l’incarnation du peintre  Julian Schnabel,  assez malmené au cours du film.  l’interview cite un débat connu qui discrédita  Schnabel face à la presse.  Les travaux n’ayant rien a voir avec ceux de J.S, doivent tout à une compile de plusieurs oeuvres contemporaines. 

La métaphore de l’escalier ponctue le film,  une fonction parmi d’autres.
Hélicoïdal blanc pour la citation du Guggenheim, et du labyrinthe des grands magasins; bourgeois dans l’immeuble : plongées et contre plongées sur le gamin rejeté.





Horizontal dominateur, sans rampe au dessus de public de mécènes ou du vide dans l’espace muséal; prolétaire en strates dans le HLM des boites à lettres. Le conservateur les expérimente jusqu’ à la vue plongeante dans les poubelles, sous des trombes d’eau.



Les solutions anti-figuratives des 50 dernières années sont  présentées sous des pseudonymes.
Le concept du Carré blanc, définissant l’espace muséal, remonte au minimalisme , éventuellement à Malevich,  
les oeuvres de ce mouvement , Cube/DIE de Tony Smith et autres carrés au sol, de Carl André à Don Judd etc, sont revues ici dans une perspective sociologique et supposément politique.


Une supposée artiste argentine  « Lola Arias » (comme le metteur en scène Alfredo)  qui en serait l’auteure renvoie à plusieurs personnalités militantes latino-américaines  des années 80: comme si seules les artistes femmes avaient après Lygia Clark ( 1920-88,  connue pour ses « objets relationnels ») le monopole de l’empathie.


un espace d’isolement et de protection, théoriquement neutre, et qui va tout faire exploser.  


Le carré, lumineux dans la cour, dépavage d'une partie du parvis pour y insérer ici le carré de néon minimaliste (Flavin)  renvoie au retournement des pavés portant mémoire du








Monument invisible de Jochen Gerz à Sarrebruck. Une  action politique dévaluée ici en ludique, telles que le jouent les déclinaisons dans l’intérieur du musée. 

Des tas de gravier: plus un néon : « Vous n’avez Rien  (un peu d’arte povera et de land art installé dans le musée :   le commentaire fait référence à la dialectique du « site/non-site » de Robert Smithson, auteur de nombreux textes sur l’entropie.


Oeuvre de  Robert Smithson pour comparaison.



On y ajoute la bavure du personnel qui en a balayé une partie. Une anecdote connue d’une toile de Buren mise a la poubelle par méconnaissance de sa qualité d’œuvre. Cette fois s’ensuit la question de l’assurance .. 


Un mixte de Kawamata +Takis = chaises en déséquilibre et motorisation accompagnés du bruit répétitif de la chute qui perturbe tout échange. 

La performance homme/animal se souvient des actions d’Oleg Kulik, en chien, nu et enchainé tentant de mordre les passants.



Oleg Kulik,  Mad Dog, performance, 1994;











Le singe artiste de la journaliste ne manque pas au générique de la désacralisation du génie. (Ses emplois dans le cinéma sont nombreux).

Déchainement de provocations et démonstration de la lâcheté du public comme du système.  Certains n'ont pas aimé..



Le filmage dans le contexte de la ville piste des inversions réel/représentation :  toute scène extérieure peut donner à référence : les vrais clochards font écho aux moulages hyperréalistes de Duane Hanson . la mendiante assise comme modèle de la fillette du projet.



Au total une grande charge sur les modes de fonctionnement du milieu de l’art ; pour faire rire jaune les spécialistes.  Ce sont les deux communicants qui font exploser tout le système. Une Vidéo virale et des médias , au profit de la mort de l’institution et de l’art « traditionnel ».




À la toute fin, une sorte de Mea culpa, sauvé par la famille  ???or, le film précédent de Ruben Ôstlund,  Snow therapy,   avait  largement décapé le système.
Note : Julian Schnabel, peintre du néo expressionnisme, devenu réalisateur, est l'auteur d'un excellent Basquiat, de Avant la nuit, sur un écrivain cubain;  Miral, 2010 sur la situation en Palestine; vient de réaliser:  "At Eternity gate", 2018, encore un biopic sur Van Gogh...



                                                   Manifesto

Un film de Julian Rosefeldt, 2017, avec Cate Blanchett.


Transposition filmique en douze séquences d’une installation multi écrans, réalisée à Berlin. 


L’ensemble des séquences s’inscrivent dans les paysages industriels  propres à évoquer tout l’art allemand des années 80/90,  la photographie plasticienne. ( les Becher) .

Manifestes du Suprématisme, 
des théories en acte. : sont recensées tous les Manifestes produits et rédigés depuis les années 20 dans tous les mouvements artistiques subversifs. Récités, clamés ou joués:  les « illustrations »  ne sont pas littérales, mais, selon le réalisateur, en partie « au feeling » et toujours dialectiques et anachroniques.  Sérieux ou ironiques, rarement vraiment  comiques. 
La livraison en DVD a l’immense avantage de fournir l’intégralité des textes de différents manifestes, compilés ou compactés. 
"La vie doit être purifiée des désordres du passé ", Suprématisme.

La dimension politique  critique est introduite d’emblée par des textes de Marx et Engels. 

S’enchaînent nombre de textes souvent inconnus de créateurs au nom plus célèbre; car pour avoir pendant des décennies travaillé sur ces périodes, leur identification n’est pas évidente; moins évident encore le rapport entre la mise en scène de chaque séquence avec son contenu historique : écarts, contradictions entre théories et leurs effets postérieurs.
"Entracte";  Cinéma Dada.


Seul, l’enterrement dadaiste -quoique lourdingue- évoque immédiatement le film de René Clair et Picabia, 1924:  «ENTR’ACTE ». 


Le Futurisme, vu comme anticipateur de la mondialisation numérique précède un Surréalisme sur fond de marionnettes   désuètes des dictateurs et politiques de l’époque.

et normalisation généralisée.




Extension au domaine international : la séquence des puritains US  priant à table se télescope avec la référence à un manifeste "pop" de  Claes Oldenburg dans une pure ironie.  




La modernité des architectures rapportées au Suprématisme et aux manifestes d’architectes : une horreur totale, associée à la dénonciation de la condition des prolétaires.


 Un fluxus  re- converti dans une chorégraphie d’Aliens.  Textes d'Yvonne Rainer, John Cage à Ben en passant par Schwitters : 


Des scènes de boites  pour le stridentisme (un scoop) et une émission de Télé en  duplex. 

Enfin une théorie du cinéma du réel, et de  Dogma, en salle de classe. Quand presque toutes les séquences sont montées en intérieur....


"Je fais partie des millions qui ne s'intègrent pas,
qui n'ont pas de maisons, pas de famille,
pas de début ou de fin connus
"
 L’actrice en clochard, ouvre et ferme l’ensemble.
Les sketches sont interprétés par  Cate Blanchett, stupéfiante actrice qui peut seule attirer un public un peu plus large que les pros de l’art. 
Les travaux antérieurs de Julian Rosefeldt se trouvent en ligne :  des vidéos sur plusieurs écrans. Le principe de reprise et de transformation d’oeuvres historiques  est exemplifié par une vidéo / film de 35 mn en noir et blanc à partir de « L’âge d’or » de Bunuel, mais qui, toujours par écart  de contenu explore une Allemagne des rafles et des cabarets de la même période. À voir.
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    Enfin, Une fin de l’art, au profit de la vie ou de la mort.. 

                                             ULYSSE ET MONA

Un film de Sébastien Betbeder.  2018, avec Eric Cantonna, et toute une équipe.



L’artiste « Internationalement connu »  Ulysse  a quitté la scène,

retour en France:
l’image  de la performance n’apparait que sur écran: assis dans une bulle et affublé d’un masque eskimo de type Koniak,  Betbeder a tourné antérieurement au Groenland, un goût personnel pour la fin annoncée d’une culture.

"Salut l'artiste"...












"Masque qui tire la langue"


Dans la vidéo, un environnement de type Beaubourg, et selon l’auteur, une référence à un performance de Marina Abramovic : The artist is present, 2010 au MOMA. 


Au passage, Oleg Kulik a fait son sit-in.




La jeune étudiante en art ( image obsolète d'un atelier où pose un nu, de quoi fuir) s’impose et s’incruste comme « assistante, dans un périple qui permettra à Ulysse de recoller les morceaux de sa vie passée. Tour d'une famille élargie, fin pas trop morale.
Casting : Équipe sympa de bons acteurs.

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