lundi 31 décembre 2018

3 PORTRAITS d'ARTISTES de Fiction, 2018

Une fin de l’art  dans le cinema de fiction ? 

Plusieurs titres de films sortis fin 2017 et en 2018 semblent conforter l’idée d’un combat ultime de l’art : des artistes singuliers (et figuratifs): un contenu évident:
 The final portrait; The last family, le Portrait interdit;   
à quoi on pourra opposer : The Square ou Manifesto, deux synthèses (critiques) de toute une histoire du XXème siècle; des installations muséales, pour public très averti (à suivre)

La liste des artistes "éligibles et bankables" à la catégorie biopic se restreint, on a découvert de nouveaux portraits d’artistes, un très connu, deux autres peu ou pas connus, dans des fictions filmées sans trucages ni images de synthèse, intimistes mais en écran large.
Comme toujours, la convergence des intérêts marchands dans la promotion d’anciens ou nouveaux musées par les médias, dont participe le cinéma, explique la sortie d’un nouveau bio/doc sur Basquiat (le 4ème) actuellement à la Fondation Vuitton, en couple  avec Egon Schiele, (un film sorti en 2017 l’a précédé, article en nov. 2017
THE FINAL PORTRAIT.
Alberto Giacometti dans l'atelier. 

Ce long métrage consacré à Giacometti, sorti au moment de l’ouverture de son ancien atelier sous la forme d’un « Institut Giacometti » est plus énigmatique quant à sa production: film américain.

«  Alberto Giacometti, Le portrait final », réalisé par Stanley Tucci. Réalisation surprenante d’un acteur motivé -selon les interviews à titre personnel- (on a connu le cas d’Ed Harris travaillant sur son Pollock, au risque de la ruine). Après des seconds rôles plus ou moins bons, sympathiques voire excellents, Stanley Tucci avait réalisé un film assez autobiographique dans le milieu des restaurants de ritals new-yorkais. Étrange parcours. 

Giacometti, le vrai, 1964.
 Transposition de l’essai publié en  65 et traduit en français en 81.
par  James Lord:  « Un portrait de ( par) Giacometti ».

Alberto/Geoffrey Rush, le film, 2017.
Avec Armie Hammer,  l’acteur qui incarne James Lord, nettement plus mignon que l’original.   Pour coïncider à la « ressemblance » minimale , Geoffrey Rush, assez histrion, le joue plus hargneux, grognon et désagréable qu’Alberto. 








Une très bonne prestation du frère, Diego, le modeste gardien, par Tony Shalhoub (plus connu comme comique) et de Sylvie Testud, dans le rôle assez ingrat d’Annette, mais la jeune américaine dans la voiture de la même couleur est insupportable.
Le film suit scrupuleusement les trois semaines de pose que dut subir le modèle avant d’être libéré.. Un record absolu de durée des séquences d’atelier de toutes les fictions d’artistes connues. Quelques échappées hors de l’atelier révèlent des aspects ignorés et forcément sulfureux de la vie de l’artiste ermite et philosophe, assez dissonants et pour certains, inutiles.

Annette.

Dans le décor, une reconstitution incroyable de l’atelier, depuis les murs graffités jusqu’au moindre petit objet ou pièce en cours, se joue la reproduction des poses aussi rigoureuses, qui reprend presque plan par plan tous les documents ou les photographies réalisés du vivant de l’artiste. 
Document 1964







James Lord, le vrai, 1964.
Y compris pour la main coupée. Les étapes du démarrage de l’oeil en croix, jusqu’aux effacements et reprises ont été réalisées par scans successifs, un tracé quelquefois plus lourd ou rigide. 
Un face à face, répété de part et d’autre du chevalet, des injonctions et quelques commentaires assez basiques sur les fins, l’objet de la recherche. La durée ne restitue pas le fond du questionnement  sur l’in-finitude de l’oeuvre qu’un documentaire comme celui des « Les heures chaudes de Montparnasse », ou la lecture des écrits de Giacometti peut apporter. Sans compter tous les essais critiques de ses contemporains.  











Le film a le mérite de donner envie de s’y replonger, et d’aller voir sur place.  Voir Annette -l’autre- par l’occasion…


                         The last Family  ,  de Jan P. Matuszynski

Pologne, 2016, sorti en janvier 2018.
Le père filme l'enterrement de la mère; le fils est présent


Portrait critique de la famille du peintre  Zdzislaw Beksinski : né en 1929, mort en 2005 à Varsovie.






De Pologne, on avait vu le biopic, Les fleurs bleues, 2016, du cinéaste Andrzej Wajda   consacré à Strzeminski , auquel une exposition est consacrée au centre Pompidou, avec Katarina Kobro.
 Cette fois, une grande découverte: à la fois de l’oeuvre du peintre,  ( des acteurs,  fantastique incarnation d'Andrzej Seweryn,)  et de la qualité du réalisateur qui a reconstruit un monde.





Des morts au travail, des morts sans nombre dans les peintures qui tapissent les murs des appartements de la famille et du fils.


Le peintre et les membres de la famille, l’épouse, la muse adorée, les deux grand-mères ou tantes, quasi grabataires, vivent dans l’espace réduit d’un appartement social : 


une barre HLM dans une zone en face de la barre où le fils bipolaire se débat entre ses crises de dépression, ses pannes, ses tentatives de suicide et son succès comme DJ dans les boites branchées. 

L’oeuvre, qu’on peut qualifier de fantastique s’oppose en tout à ce huis clos : des peintures entre surréalisme et fantastique : paysages principalement.  Des ouvertures sur l’horreur que le cinéma aura imité.
Huile sur isorel, formats moyens: 
Un chevalet conçu comme un tableau escamotable, s’intègre au mur dans un pièce organisée comme une documentation de tous médias. Bandes magnétiques, enregistres, caméras : Bekzinski était aussi photographe.


Vingt années dans une Pologne dont rien ne révèle vraiment les problèmes politiques; rien sur des références artistiques; aucune séance de travail pictural. Une chaleur affective et un humour assez noir dans une plongée très fluide d’un milieu étrangement proche.  

Un acheteur, futur biographe, passe régulièrement pour tenter de voir les oeuvres. 



Fin de l'histoire.  
Dans le développement chronologique des vingt années, Belzinski enterre tous ses proches, le fils se suicide, l’épouse succombe à un cancer, et l’artiste solitaire meurt assassiné  en 2005,  par le fils de l’aide-ménagère. 

Dans un décor reconstruit à l'identique de l'appartement, Le film se caractérise par une construction très géométrique des plans, au plus près de la densité des rapports entre les personnages. 

                            Le portrait interdit. 

L'imperatrice Ulanara, Fan Bing Bing.
Charles de Meaux, 2017,  France/Chine.

 
Du réalisateur plus connu comme producteur des films thaïlandais, et comme grand voyageur, une fiction colorée et exotique, historiquement exacte : le peintre a vécu trente années comme peintre officiel de l’empereur de Chine  Qien Long, (1735 -1796). 


De la dynastie Qing, période d’expansion et de calme, l’empereur avait ouvert le pays aux jésuites, et dans ce contexte,   Jean-Denis Attiret,  jeune jésuite fut invité à faire le portrait de la seconde épouse Ulanara.  (il en eut une quarantaine, et presqu’autant d’enfants).

La peinture est conservée au Musée de Dôle,  toute l’oeuvre  d’Attiret fut détruite à Pékin.





Melvil Poupaud incarne le peintre, une narration off précède son arrivée dans  un superbe décor 


de palais: une  Cité interdite,   très "Epouses et concubines" en plus intime. moins de figurants, mais  avec Fan Bing Bing . 


 À Jolie femme, un destin tragique: elle fut répudiée après ( ou avant?) de transgresser l’interdiction de se couper les cheveux. 
Donc tout rapprochement au cours des scènes de pose sera proscrit. 

les tourments du prêtre finissent en confession.  Du charme romantique et de la morale esthétisée. Des extérieurs presque italianisants (  Influence du père jésuite Castiglione ?) 


bonne interprétation de Melvil Poupaud, dont on assure qu’il a appris a prononcer le mandarin. Il  ne se passera rien que des icônes du désir, des regards, une bonne facture dans les esquisses et quelques croquis très enlevés  qui ont servi à une série commandée par l’empereur sur ses batailles et conquêtes.  On se documente sur les encyclopédies en ligne:  


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