mercredi 8 novembre 2017

EGON SCHIELE revisité


Egon Schiele: Autoportrait double.
Le centenaire de sa mort, en 18, devrait être l’occasion d’expositions fasteuses, en attendant et, par anticipation, une évocation de circonstance et deux biopics.


Au revoir la haut, Le film d’Albert Dupontel, (un nom très 14-18, une tronche aussi) adaptation très colorée et décorative du Goncourt éponyme très noir de Pierre Lemaitre, fait preuve d’une recherche sur les arts de la période des années folles- avec des ajouts festifs peu probants et narratifs pour recadrer le scénario. 
Les scènes de tranchées reprennent quelques films plus noirs et politiques, tel «The road to Glory» de H. Hawks, 1936, ou « Paths of glory » de Kubrick, 1957.  Qu’il faut revoir. Rien de nouveau à l’ouest…



Les masques (après relecture du roman) sont conformes et inspirés des modes décoratives, scéniques ou art nègre. 









Extrait du film.

Les dessins académiques tristes comme des monuments funéraires, contrastent avec les premiers dessins et les supposés carnets d’Edouard, que son ami transmet à la famille. 




Egon Schiele: Prisonnier russe. 

Sur feuillets libres, les protagonistes les manipulent assez souvent pour que l’on perçoive l’inspiration : l’illustratrice, Francoise Pierre, a transposé des dessins et peintures de Schiele avec astuce et brio; une très bonne imitation, y compris dans le style d’une signature/monogramme.

Egon Schiele, mobilisé en 1916, avait fait des croquis de soldats ou de prisonniers de guerre russes.
Occasion de replonger dans les vrais « Carnets d’Egon Schiele », édités en 1986 chez Adam Biro. 

Ce fut une décennie de succès de librairie et de posters, records de vente, autour de la grande exposition Vienne, l’apocalypse joyeuse, au Centre Pompidou.
Occasion aussi de revoir des productions cinématographiques. 




Tod und das Mädchen, détail. 1915. Autoportrait avec Wally.

Egon Schiele;  Tod und das Mädchen.

Un film de Dieter Berner,  2016.
avec Noah Saavedra, Valerie Pachner, 
(sorti en aout 17) et que j’ai trouvé dans une salle de quartier parisien avec retard. Le devoir…

Soit  donc La jeune fille et la mort. Titre d’une peinture de 1915.  
Et beaucoup de jeunes filles et de morts.
Le charmant acteur, (un look de mannequin pour Hugo Boss), agonise entre plusieurs épisodes en flashs back, après la mort de sa femme Edith et les soins de sa soeur Gertrude. Manière de revenir sur la tragédie de son existence et les obsessions érotiques de sa peinture. 
Un minimum de scènes d’atelier, mais la remise en scène des oeuvres connues.

Wally/V. Pachner.
Dans une vie aussi courte, (il était encore étudiant en 1907), marquée par la rencontre de Klimt en 1908, du procès pour pornographie en 1912, l’exposition à la Secession, l’épidémie de grippe espagnole fatale, le héros tragique entre dans la grande famille des peintres maudits chers au cinéma. Moins famélique, mais très érotique. Belles images.


Gertrude.
Se basant sur la vie privée, l’importance de la place de Wally puis le mariage avec Edith, le scénario apporte quelques moments de vie fort enjolivés:

On restitue le contexte familial, la jeune soeur Gertrude qui se prête à des séances de pose ( et +?).










Le séjour en Bohème,, dont on connait quelques vues de Krumlau, (Cesky Krumlov actuel), façon "débauche à quatre".




Egon Schiele: Moa




Une découverte: la personne de Moa -la jeune métis qui deviendra actrice de films burlesques- est l’occasion de visiter une sorte de cirque-bordel; un Théâtre des Variétés local où se produisait  Mimme von Ossen, dont on connait dessins et portraits des années 1910-11 et que le film zappe.






















Une morale "authentique"
Pour les « standards », le film reprend la maison de village avec tournesols, les poses de Wally, les couloirs de la prison, la « très jeune" voisine perverse  

et la mise à feu des dessins litigieux : 

une position radicale, défendue par l'auteur comme par le peintre : tel un clonage du biopic précédent, lointain sauf pour collectionneurs. 



Enfer et passion , Egon Schiele

en v.o « Exzess und Bestrafung » (punition), 1980.
un film  Germano, franco autrichien de  Herbert Vesely avec Matthieu Carrière, Jane Birkin et Christine Kaufman.
Le film se construit autour du procès, qui ménage des retours sur la rencontre avec Wally, les séances de modèles juvéniles, et des méditations du peintre en voix off sur son amour des paysages solitaires. 



Dessin de prison, 1912;

Le dernier tiers reprend la biographie, la vie comme soldat, la mort de Wally,
évincée, devenue infirmière au front et montrée syphilitique, puis la mort d’Edith et d’Egon. 


Reconstitution du film.














Matthieu Carrière, héros romantique de l’époque plutôt blond aux yeux clairs, n’est aucunement torturé. Il correspond à la tonalité du film:



Une réalisation extrêmement esthétique, sur des musiques contemporaines d’Anton Webern, ou planantes de Brian Eno.
Jane Birkin, mince à souhait pour les dessins, la vraie Wally était plus plantureuse, se prête parfaitement à l’esthétique osée de l’oeuvre.

Le film avait soulevé des critiques furieuses sur la pornographie des séances de pose à deux ou trois modèles, les masturbations, toutes séances que les dessins et peintures illustrent et que les bourgeois vertueux collectionnent - y compris le juge du film.








 L’actrice C. Kaufman, qui incarne Edith, sauf erreur, avait été mêlée à quelque scandale politique, et Jane B de l’époque était assez sulfureuse. C’était aussi peu après les Emmanuelle ou Histoire d’O de J.Jaeckin. Bref un brulot et une censure. Revu actuellement, le film passerait pour ce qu’il est, illustratif. 

Wally/Jane B.
À regarder l’oeuvre de Klimt que Schiele considérait comme son maître, les images érotiques ne manquent pas, mais on connait mieux les saturations vestimentaires décoratives.



Les 2 films donc mettent en scène l’atelier de Klimt et l’inauguration de l’exposition de groupe en 1912 sous la Frise Beethoven, (1902) dans le bâtiment d’ Olbricht. 



Klimt, Portrait.
Au passage, pour les accros au genre , les «Klimt » au cinéma ne se ressemblent guère   on a le choix entre le bovin, l’ours dans sa bure ou le dandy aurifère et mortifère de Malkovich, dans le film de R.Ruiz, 2005, dans lequel un Schiele ne se reconnait qu’à la pose et longueur des doigts.

Jamais sans son chat..

 On trouve un moyen terme de la blouse bleue dans « Alma ou la fiancée du vent» autre multi-biopic anglo-viennois de Beresford qui met en scène Mahler, Kokoschka et Gropius. 
Ni apocalyptiques, ni joyeux, depuis la mort de Ken Russell, les biopics manquent d’inventivité.
La mode est à l’animation, crayonnage besogneux. Dernier état de la semaine: un Van Gogh pour remonter le challenge entre les deux ténors du genre, comme l’animation de la semaine sur Gauguin, affligeants. Vite aux musées…

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