Berthe
Morisot
Un
téléfilm de Caroline Champetier, 2013,
Diffusé
sur France 3, le 16/02/2013
Marine
Delterme, Berthe ; Alice Butaud, Edma ; Malik zidi, Manet..
La
vie de Berthe Morisot (1841-1895) est intimement liée à l’oeuvre de Manet, dont
elle fut le modèle devint la belle-soeur en
1874.
Manet: Esquisse du "Balcon" , |
Le
film de Caroline Champetier connue pour son métier de directrice de la
photographie dans de nombreuses réalisations des « grands », de Godard, Rivette, à Holy
Motors de Léos Carax, s’est attaché à évoquer
quelques années de la vie de Berthe Morisot, femme peintre, jusque-là oubliée
de l’actualité (et du cinéma) ; visible discrètement à Orsay.
D’un apprentissage avec des maîtres académiques, à sa
reconnaissance comme peintre professionnelle exposée dans les salons, et vivant
des ventes de ses peintures, le parcours (douloureux) de son émancipation fait donc l’objet d’une étude sensible
et très documentée.
Manet, Berthe, Edma. |
La
réalisatrice revendique l’exemple de Pialat, pour Van Gogh, pour restreindre
son histoire à une période, (1868-74) ici décisive, de manière à situer le
milieu social. Mais sans vraie surprise.
Le
récit commence dans les salles du musée, pour les copies obligées d’une
formation, qui, sans exclure totalement les filles des écoles, les
cantonnent à l’académisme d’un
dix-neuvième siècle déjà dépassé.
Clin d'oeil au rapport potentiel M/B |
Sa
soeur Edma, aussi douée, renonce à la peinture pour se marier et s’ennuyer en province; la
rencontre avec Manet, une tentation
contre le puritanisme, la prise de conscience de la destinée de sa soeur
et le choc de la guerre de 70 décident
d’une vocation obstinée, contre les proches et contre la critique.
Le
film, que l’on peut qualifier d’intimiste, se restreint pratiquement aux scènes
d’intérieur, et aux scènes de peinture d’après modèle. Hormis le voyage à
Lorient qui lui révèle le plein
air et modifient son style.
l'équipement du peintre de plein air |
Les
qualités du film, une interprétation très fine de l’actrice principale (moins
sombre que dans les portraits qu’en a fait Manet -acteur un peu
« mince ») une précision documentaire, les copies sont de qualité,
tiennent surtout à l’ambiance et l’éclairage, souvent à
contre-jour, des scènes d’intérieur. Une manière subtile de rendre concret
l’impressionnisme qui influença sa peinture.
Le
portrait de la mère, ou les séances de pose pour Manet, nous instruisent sur la
manière dont étaient réalisés les tableaux de l’époque. Peindre en
costume-cravate ou accrocher la palette au clou surprend. Et dans chaque scène, la mise en abyme de la peinture et du travail en cours.
Portrait par Manet, 1872 |
La
vraie révolte est intériorisée, et sans doute cette attitude, contrainte pas
l’idéologie machiste et la morale réactionnaire de l’époque, explique-t-elle
l’absence des femmes dans le milieu de l’art (sauf, comme disait Alexandre Dumas, ou
après lui Renoir, comme danseuses ou modèles (nues de préférence).
Contrairement
à la génération 1790-1820, (une salle entière au Louvre) peu de femmes
artistes de la deuxième moitié du
XIXè, et elles étaient plus nombreuses qu’on ne l’imagine, sont sorties de
l’oubli. Eva Gonzales, 1949-83, autre modèle de Manet fait une apparition dans
le film.
La contemporaine et amie de Berthe, Mary
Cassatt, 1944-1926, une américaine fixée en France dans les années 70 et
inscrite dans le mouvement impressionniste, est tout aussi ignorée, bien que
plus innovante sous l’influence de Degas.
Berthe Morisot: Le berceau |
L’une
et l’autre se repèrent par des tableaux de « Femmes à l’enfant », un
genre particulièrement dédié et minoré.
Aucun scandale ne les ayant touchées, elles passent inaperçues dans la
grande saga des artistes « maudit(e)s ».
SuzanneValadon
, vingt ans plus tard sort de ce
carcan, quand Camille Claudel
occupe le devant de la scène artistique, avant la fin tragique qui fut sa
gloire. J’y reviendrai.
Comme
disait Paul , « l’art est un
métier dangereux, il faut expier ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire