lundi 27 mars 2023

LEONARDO....version longue.



Mésaventures d'un génie. Il en va des biopics comme du covid, le standard, plus ou moins violent ou doloriste, et le covid long, en images la série.  Une coproduction italo/française, concepteur américain,  éditée en anglais, une majorité d’acteurs italiens et anglais pour les monarques; tourné en studios construits à Rome pour reconstituer les villes, (une performance déjà gagnée dans Games of Thrones, on s’y croit, quelques ressemblances musicales). Cette série succède à Les Medicis, autres Papes, tout ce que la Renaissance fournit de conflits entre Cités, familles, factions, guerres (de religion) dans une Italie fractionnée. Toute référence à des situations actuelles ne serait qu’accidentelle.

Même durée pour la Cène, deux ans et une erreur fatale

Leonardo (da Vinci, des fois que) huit épisodes de 52 mn, réalisé en 2019-21, sorti en 22, (j’étais loin) édité en DvD qui permet de condenser la durée de lecture et comme après beaucoup d’autres films sur les artistes, de se précipiter sur sa bibliothèque pour vérifier la véracité de l’histoire, la vraisemblance des personnages et la qualité des séquences «artistiques » de simulation, et autres hypothétiques références théoriques. Parfait pour un dimanche pluvieux.


L'atelier de Verrocchio, et le modèle fatal aussi.

 Merci André Chastel, Daniel Arasse, des fondamentaux, après Vasari, le biographe qui a glorifié la notoriété de Léonard dans Les Vies en 1550, on ajoutera Sigmund Freud, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, 1927.


 

Curieusement Léonard est absent des biopics des trente dernières années, on avait pu apprécier -ou pas- les Michel-Ange, Cellini, Caravage. Léonard trop théorique, peu combattif, sans histoires de coeur (relativement, l’homosexualité restant occultée) il fallait en inventer une, nouée dans la richesse du contexte aventureux.

Or donc, Leonard ici se découvre homo, en fait une pratique assez ordinaire à l’époque, fut mis en cause dans un procès pour sodomie en 1476 ; dans son atelier il s’entoure de jeunes apprentis, 

son « protégé » Salaï, (diablotin, et futur peintre) est cité par Vasari. 


Petit voyou voleur, repenti, converti à l’art, il est figuré en 1500, sous les aspects de l’autoportrait de Dürer en Christ, de 1500 aux cheveux ondulés;  une mode !! la barbiche évoque plutôt les Mousquetaires, et le scénario n’envie rien à Alexandre Dumas, Leonard dans sa prison, un Monte-Cristo chevelu.


Dessins de Carnet de Léonard




Très belle collection de coiffures et de perruques, comme les costumes d’époque, le luxe, beaux décors, reconstitutions monumentales. 



Les scénaristes sont extraordinairement brillants pour tramer les drames individuels, les affaires politiques et l’enquête policière qui maintient le suspense et l’addiction du spectateur, d’épisode en épisode. Sans flash back, le cinéma n’existerait pas. En l’occurence, Leonard est condamné à mort pour avoir empoisonné sa « maitresse », les deux ressorts fictifs du récit; l’enquête du juge remonte à l’origine du génie, les témoins se succèdent, les complots politiques les accablent jusqu’à la 390 ème minute.



 

Le récit comme toujours ou presque suit la chronologie des étapes de la vie de l’artiste.



De ce point de vue, on suit la succession des séjours de Leonard, (né en 1452), depuis Florence 1465-1582, chez son maitre Verrocchio et dans son propre atelier, avec assistants.


L'Adoration des Mages, non terminé

Le départ à la Cour des Sforza, à Milan, de 1482 à 1499, des commandes: La Cène, 



 et des échecs:  Le monument équestre sera détruit.                            


L'invitation de Cesar Borgia à Imola, pour des travaux d'ingénierie. Canaux, fortifications.



Retour à Florence en 1503. sous caution, c'est la Guerre et Milan est aux mains des Français.

 

Une bataille perdue, erreur technique.
la rencontre avec Michel-Ange en 1505, un face à face pour la Bataille d’Anghiari.  


Seul sur son échafaudage, Michel-Ange

L’histoire s’arrête là. L’artiste a cinquante ans, la Joconde n’est pas terminée … 




Un des problèmes du biopic étant la vraisemblance de l’acteur, une durée de trente années, avec fausse barbe reste possible, quand le seul portrait avéré de Léonard est celui d’un vieillard. 











L’acteur (Aidan Turner) est bon, trop beau et pas très intellectuel, charismatique diraient les addict. On ne peut donc pas comparer.


Fictions.. afflictions.

Le destin de l’artiste, se construit sur l’abandon, la perte de la mère, le rapport conflictuel au père, fort loin de la réalité, mais permet de faire réapparaitre la vision de l’oiseau, aigle ou vautour, au-dessus du berceau de l’enfant, merci Sigmund. On trouvera une autre expérience du vol..


Le père

L’histoire des états de l’Italie, fin XVè, évacue rapidement les Médicis de Florence au profit de la dynastie des Sforza, ducs de Milan, sur vingt années: « un univers impitoyable »:  

Ludovico, dit le More, fut régent puis duc après avoir éliminé son neveu Jean Galéas. Son épouse chérie, Béatrice, meurt en couches à la bonne date, le neveu mourut à l’âge de 25 ans; 

La féérie à la Cour de Sforza finit très mal 
Ici le récit dramatise les faits, et donne une clé pour le développement de la fiction. Je spolie.. Le neveu est empoisonné adolescent, Leonard est témoin.. Le Duc prit pour maitresse, en vrai Lucrèce Crivelli, la dame d’honneur, qui dans la série s’incarne dans le personnage féminin principal, Caterina, l’amie, (même prénom que la mère) supposée maitresse de Leonard qui donc après coup, devient mère d’un héritier dangereux pour la succession, et ou l’honneur du peintre .. 



L’ami du Duc, et son émissaire, un fort honnête homme, Galeazo Sanseverino, devient ici le meilleur des traitres et assassins.  Un acteur prodigieux dans la série des méchants.. Une  fin  méritée, à la fin dans la série, quand le vrai devint condottière auprès de Louis XII.





Au service de Cesar Borgia, autre famille terrifiante, Leonard expérimente ses compétences d’ingénieur. Son retour à Florence, plus occupé par les recherches théoriques achoppe sur la finition des portraits... On sait maintenant comment « Léda » a disparu.. (elle existe au musée)


Pour les séquences de création, la mise en oeuvre des machines qui furent sans doute la plus importante part du travail de Leonard coïncident avec les dessins des carnets- bien reproduits.



 Depuis la grue, (en fait un emprunt à Brunelleschi ) les échafaudages mobiles, les machineries théâtrales et les balistes et autres engins militaires, tout s’adapte au scénario, 



on ajoute le «podomètre » pour arpentage qui doit tout à un tambour mécanisé et à un projet d'automobile. . La bicyclette en revanche n'a pas trouvé d'usage. 


Salai et Leonard arpentent la ville, des billes, un compte-tour..

La longue séquence de la conception de la statue équestre est conforme au carnet qui la détaille 

Modèle de cavalier..

et aux gravures qui furent faites avant sa destruction, un avatar des guerres, le plomb fut reconverti en canons. 



Du coté de la peinture, le récit insiste sur les projets non terminés, ce qui fut la réalité, tout en respectant la mise en scènes de l’élaboration en cours, dessins préparatoires, cartons et mise en place de la composition sur le support.  


Le savoir faire italien: Des coups de pinceaux, (sans main coupée) les assistants se chargent du travail.  Les débats sur la perspective sont conformes aux textes, comme la scénographie de la Cène l’est à l’Évangile de Jean.  



Les dialogues réitèrent l’obsession de la recherche de la vérité pour les portraits, face à des modèles assez ressemblants, une belle série de jolies jeunes femmes. 


Caterina, le retour..


La douce amie de Leonard, (l’actrice Caterina de Angelis, un nom prédestiné) l’incarnation de l’amour (chaste), ressuscite, happy ending, grâce à la foi en l’art du petit juge, le deus ex machina, de cette longue affaire. Le huitième épisode plonge à un niveau pathétiquement sentimental..Ne jamais  écouter le version française...


Ludovico (James d’Arcy, impeccable) prisonnier en France mourra avant Leonardo, devenu peintre officiel de François 1er et travaillant pour le Château de Chambord… 


Ne reste, comme toujours qu’à admirer les oeuvres originales,  ou se délecter de l’ouvrage de Ralph Steadman,  dessinateur aussi génial que le maitre: MOI LEONARD DE VINCI.




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