mardi 16 février 2016

LE SCANDALE PARADJANOV


Le « scandale » du titre vise à attirer l’attention du public sur un cas de censure politique de la période soviétique visant cet artiste majeur. Mais combien d'autres?




Réalisé par Serge Avedikian en 2015, ce biopic consacré au cinéaste géorgien, 1924-1990, est d'une part totalement conforme à la vie du créateur, et d'autre part très troublant par la ressemblance physique du réalisateur/acteur et de son modèle.
Paradjanov


Avédikian













Une identification « héroïque » soutenue par l’appartenance arménienne d’Avédikian, et la culture que Paradjanov illustra dans son film Sayat Nova, la couleur de la grenade, en 1968, et dont le musée à Erivan, capitale de l’Arménie conserve l’essentiel des collections d’oeuvres. (voir archives, Carnets de Voyage et Cinéma, nov 2012)


Montage photographique d'Avédikian.

Assemblage, portrait du Père
Dès le générique, les images des oeuvres, assemblages, collages et dessins pointent la double pratique de Paradjanov, le dessin fut un exutoire en prison. L’assemblage constitue toujours une reconstruction de la mémoire, et une réserve d’imaginaire. Le cinéma déploie ces sources dans une temporalité dynamique.

Dessin de prison





Vu en salle confidentielle (pas sorti en dvd et critiques assez peu enthousiastes), le biopic sur un personnage connu des spécialistes et des cinéphiles, très conforme au réel de la vie de Paradjanov, s’attache aux épisodes de la vie de l’artiste contestataire, depuis les  premiers tournages jusqu'à sa consécration tardive en France. Un bon moyen d’en savoir plus, et de revoir les films.




Les Chevaux de feu, film réalisé en Ukraine, en 1964, situé dans des Carpates des marges de l’empire soviétique, cette oeuvre fit date   par sa rupture avec les conventions soviétiques et obtint un succès international. On se souvient du choc lors du jet de sang sur l'objectif.




Sayat Nova, incrustation.


Avédikian s’incruste dès lors dans les prises de vue du tournage.
De la même façon, dans des images de Sayat Nova, il figure un personnage de plus dans les montages très empreints de la miniature arménienne. 




Sayat Nova.
Comme toute biographie filmée, la vie intime, la rupture avec sa femme, puis le motif central, l’incarcération de Paradjanov par le pouvoir soviétique, en raisons de son homosexualité, et sans doute la non conformité au programme politique des studios, occupent le centre du récit.
Dessins de prison.


Paradjanov, condamné lors d’un voyage à Kiev; de 74 à 77, purgea une peine dans une prison de haute sécurité, relâché sous la pression d’Aragon et quelques autres artistes européens, fut assigné à résidence à Tbilissi.

On note qu’à chaque épisode, la système chromatique se modifie, des rouges on passe au vert de gris des prisons puis à nouveau au contexte bigarré de la Géorgie.

La documentation très exhaustive collectée dans la maison de Tbilissi, lieu du tournage de la dernière partie du film et au musée d’Erevan, et par les sources des relations, permet à Avedikian, qui l’avait rencontré en 83, de « remonter » les épisodes suivants:



Paradjanov et un ami.
La maison de Tbilissi



Visites de ses amis, de cinéastes,  Marcello M, fait une apparition, -il entretenait des relations avec Pasolini au plan filmique-  la vie quotidienne, les bricolages, et quelques colères et beuveries ordinaires. 

Avédikian sur le tournage 



Après une nouvelle incarcération en 82, Paradjanov put reprendre quelques réalisations à teneur poétique de récits géorgiens des siècles passés.







La légende de la Forteresse de Souram; 1984, ou l’histoire du jeune homme emmuré pour préserver la ville. (allégorie?)
Achik Kerib, conte d’un poète amoureux, 1987, fut dédié à Andrei Tarkovski, (1932-86) autre géniale victime de la censure. Ses films comme Andrei Roublev, 1966, situé dans un moyen âge chaotique (bien avant la révolution de 1917, la ligne obligatoire du parti) puis Le Miroir, 74 ou Le Sacrifice, 86, réalisé après son exil en Italie puis en France obtinrent une reconnaissance internationale. Tarkovsky, dessinateur préparait ses films, tous nourris de références artistiques. Deux destins similaires donc.

Sayat Nova; une mort annoncée.
Paradjanov réalisa aussi quelques documentaires dont un consacré au peintre géorgien  Pirosmani. (voir blog, nov 2012)
Le système politique avait changé, le président de Géorgie l’a soutenu et il obtint des visas de sortie, pour soins en France , il meurt à son retour en Arménie.  
Pub: achetez le coffret, si ce n’est déjà fait, sublime, pour une ile déserte.

Paradjanov, collage, 1985: "J'ai vendu ma datcha"

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