mercredi 20 avril 2016

Les FAUSSAIRES au Cinéma

Faux Vuillard, Guy Ribes
Une pratique immémoriale.




La sortie du documentaire, «Un vrai faussaire » actualise un sujet souvent traité au cinéma (un art du faux) et qui mobilise historiens d’art et les spécialistes du droit. 



Van Meergeren exécute un "Vermeer" pendant son procès.


Le faussaire le plus célèbre fut Han Van Meergeren, 1889-1947, condamné comme auteur de quelques Vermeer, et autres peintres hollandais du XVIIe siècle, Ter Boch,  de Hooch,  et comme collaborateur, pour avoir vendu des oeuvres aux Nazis. 

La copie d’oeuvres faisait partie de la formation des artistes, avant que les hordes de touristes ne les chasse des salles du Louvre, on se souvient des amateurs qui plantaient chevalet et matériel devant des toiles plus ou moins connues.
Les artistes -même corrompus- sont des peintres compétents, mais seule la valeur de la signature assortie du nom reconnu par le milieu officiel cautionne un supposé original. 
La pratique de la copie remonte à l’antiquité, les marbres romains d’après les grecs emplissent les musées, (parmi combien de copies de La Joconde a été sélectionnée celle qui remplaça la vraie au moment du vol ?). 
Les peintres attachés à l’atelier d’un maitre (Rubens en particulier) exécutaient la majeure partie du tableau avant que l’artiste mette la dernière main et sa signature; certains peintres avaient l’habitude de faire plusieurs exemplaires d’un même sujet. Le Caravage retrouvé récemment est-il authentique???.  On dit que Corot a peint 2000 toiles, dont 6000 sont dans des musées..
Modigliani fut poursuivi pour avoir sculpté des faux archaïques, etc etc…

Guy Ribes : exécution d'un faux Fernand Leger.
La création artistique du début XXè, nettement moins compliquée à imiter a suscité des vocations.

Cette affaire d’authenticité liée au prix des oeuvres constituerait presque un sous-genre du cinéma policier depuis l’après guerre, ce qui valide la suspicion sur le système marchand soutenu par la demande des acquéreurs. 
L’amour de l’art  n’est qu’une des motivations des collectionneurs, les oeuvres sont devenues une valeur de spéculation dans un marché animé par les fluctuations de la cote.
Ne sont pas concernés les artistes qui prêtent leur main aux films sur l'art, crédités au générique.. merci à leur doigté.

Guy Ribes : interview.

Un « Vrai » faussaire. 2015.

 de    Jean-Luc Léon , qui avait en  réalisé un documentaire ravageur sur les galeristes, les Nahon, dans le cadre de la FIAC. Nul n’en sortait indemne, les artistes, mais surtout les marchands et le système économique qui règne toujours sur le marché de l’art contemporain.


Le faussaire « de génie » Guy Ribes, réalisa pendant quelques décennies des pastiches des dessins et peintures des artistes les plus célèbres de « l’École de Paris », Dufy, Modigliani, Chagall, et des maîtres plus anciens, Manet, Degas. Picasso et Matisse occupant la tête de liste des faux en raison des innombrables séries de dessins sur un même thème.  Encore faut-il distinguer la copie, du faux et du pastiche,  ce que le documentaire explique qui est un montage de différentes parties ou détails d’oeuvres connues, avec les effets du style très identifiable du peintre.


Faux Picasso, par Guy Ribes.

Le très habile faussaire exécute pour la caméra quelques exemples des styles de chacun de ces auteurs, avec une acuité analytique et une maitrise du trait stupéfiantes. Les pièces sont ensuite détruites, Ribes ayant été condamné (mais « fera autre chose »), avec quelques uns de ses comparses marchands. Nous sont révélés les systèmes de trucage des certificats d’authenticité, la complicité d’experts et autres truands, c'était avant les technologies scientifiques d’analyse.

Un Dufy de plus.


Le soin du choix des outils et des supports, la méthode de vieillissement, les recettes, on apprend tout, mais rien n’explique le talent de Ribes, qui confesse que la contrefaçon est simple, mais que retrouver « l’âme » des oeuvres est l’enjeu de son travail. « Les voleurs, ce sont les autres ».




Son « récit », est selon un proverbe chinois, « parfois aussi faux que les oeuvres ».

That is the question...
 Tel est le récit d’un autre film célèbre où le faussaire exécute plus brûle devant la caméra, ses Matisse, Picasso, Dufy, Modigliani -toujours les mêmes stars de l’art, convoités par les acheteurs.


F for Fake  (Vérités et mensonges) d’Orson Welles, 1974.

Exécution d'un Matisse.


Brillantissime essai du magicien du récit et du montage s’attache -entre autres- à la personnalité du faussaire Elmyr de Hory, (1906-1976) qui trompa pendant trente ans les experts avant d’être appréhendé.



Elmyr de Hory: programme.
Elmyr, jouant les aristocrates d’origine hongroise est filmé à Ibiza, son dernier refuge avec quelques amis, dont l’auteur -condamné- d’un récit fictif sur Howard Hughes. 


Tout en privilégiant les artistes anonymes du Moyen-Age, 
Welles ajoute dans la dernière partie du film, une séquence sur les « 22 Picasso » (!) que la somptueuse créature Oja , petite fille d’un faussaire, se serait approprié.  Vérités, mensonges, 
Orson démontre que le cinéma est en soi un trucage, une magie/image, une FICTION.



Landis: un dessin XVIIIe


Le Faussaire, (Art and crafts), Sam Cullman et Jennifer Grausman, 2014.


Documentaire sur l’affaire du faussaire Mark Landis, qui trompa les musées américains, lui aussi pendant trente ans. 






le déni usuel.






Copiste de maitres français ou américains du XIXè s, traqué par un conservateur grugé, le personnage n’a pas la bonhommie ni l’humour des deux précédents. Classé schizophrène, une exposition de ses «oeuvres » eut cependant lieu.




Vincent et moi, film franco-canadien de Michael  Rubbo, 1990.

La valeur n’attend pas le nombre des années: on est doué dès l’enfance.

Croquis de Jo: le sosie de Gachet
Dans un genre roman pour la jeunesse:

Joséphine, dite Jo, une adolescente « amoureuse de Van Gogh », et fort douée réalise des copies (une forêt du Douanier Rousseau pour la pièce de théâtre du copain de son école). 


Elle est repérée par un méchant faux expert, sosie du Docteur Gachet, (Vernon Dobcheff, un habitué des films sur l’art) qui revend un de ses « dessins de jeunesse », 1M$ à un japonais. 



Copie du "Facteur Roulin".

Les deux gamins escortés d’un journaliste embarquent pour Amsterdam sur la piste du dessin, ainsi que d’un « Facteur Roulin » volé, que traque un charmant ado détective amateur sur son petit bateau. 

Ils trouvent un vrai faussaire, puis dans une séquence (inspirée de Rêves, Kurosawa) Jo s’envole dans la Nuit étoilée pour atterrir à Arles 

Jo et Vincent à Arles.


ou elle atterrit devant Vincent (Tcheky Karyo) dans la campagne. Elle lui narre son succès à venir, il  lui offre une version des ses "Chambres", puis signe la photo du journal pour dé-authentifier le dessin de Jo.

Vincent et Jo dans la "Chambre à Arles".





La centenaire Jeanne Calment (1875-1997) fait une apparition, qui aurait connu VG (laid comme un pou) en 1889, lorsqu’elle lui vendait de la toile (?).
Que d’aventures !!!

Van Gogh tient toujours le record (des ventes) et des films (biopics et autres catégories) souvent sortis en 1990, date du centenaire de sa mort.



Michel Simon et ses Dürer.
PETITS et GRANDS POLARS du Genre : 



Comme dans le précédent, c’est un trio de pensionnaires « Les disparus de Saint-Agil », Christian-Jaque, 1938, d’après un roman de Pierre Véry, qui révèle la fabrique de faux billets dans leur établissement. Michel Simon, prof de dessin alcoolique, « graveur de génie », ignoré,  fabrique des faux Dürer, et les billets. Dialogues savoureux avec R. Le Vigan (tête de l’emploi): « Les oeuvres, ça ne sert à rien, une fois au mur, c’est mort, au moins avec mes allumettes je peux mettre le feu à la forêt.. »


Parmi les films policiers français de l’après guerre, plusieurs occurrences de faux au profit des marchands véreux:  le marché de l’art est devenu rentable.



Reproduction interdite ( Meurtre à Montmartre), Gilles Grangier, 1956.


L’art et la technique pour copier un autoportrait de Gauguin avec la complicité du marchand d’art dans la débine, du truand élégant et d’un peintre médiocre, (Gianni Esposito),
suicidaire et alcoolique (on ne change pas la figure de l’artiste) pour vendre aux étrangers. 
Le marchand donne pendant plusieurs séquences un véritable leçon de peinture à leur future victime. 

Leçon de peinture.


Finalement, c‘est LA femme (Annie Girardot), figure retorse, qui les dupe tous.

Grangier devait être un collectionneur expert comme quelques réalisateurs de sa génération. Granier-Deferre le prouve dans « La métamorphose des Cloportes », 1965 où la grande truanderie du commerce de l’art exploite le pauvre Lino Ventura, sorti de prison et dont les collections ont disparu, qui se retrouve employé de galerie. (Leçons d’analyse critique lexicale croustillante). 

Du noir au rose:
Dans le cinéma plus contemporain, le scénario combine le vol du tableau, le vol du faux, et la comédie sentimentale

Comment voler un million de dollars, William Wyler, 1966.

Papa faussaire généraliste.


Audrey Hepburn, fille d’un faussaire, (Hugh Griffith) s’associe à un détective expert (Peter O’Toole) pour voler le faux Cellini dans un musée, oeuvre du grand père, (on est faussaire de père en fils)







Le "Cellini" de grand papa.





 afin de le soustraire à une nouvelle expertise, pour finalement le fourguer à un acheteur américain avec des diamants en dédommagement. 

Happy ending.





Thomas Crown, John Mc Tiernan, 1999.

Comment plier un Monet dans un attaché case ??


Remake version artistique de l’Affaire Thomas Crown, citation de la musique de Michel Legrand. 
Le richissime homme d’affaire,(Pierce Brosnan) collectionneur passionné, vole un Monet (Impression soleil levant) au MET de New York.



Le cadeau.
Énorme « combination » avec cheval de Troie et technologie bidon de faux voleurs comme diversion double les références artistiques pertinentes.
Mécène généreux pour déjouer les soupçons,TC prête un Pisarro, qui, après le déclenchement des arrosages de l’alerte incendie, fond pour faire réapparaitre le faux Monet qui se liquéfie aussi : toile blanche. 

Là encore c’est la fille d’un faussaire  déjà sous les barreaux qui en est l’auteur.

T Crown, son Magritte et son coffre.



La référence à «Ceci n’est pas une pipe » et autres facéties de Magritte, de la série « La Trahison des images » donne lieu à une démultiplication de l’Homme à la pomme, « Le fils de l’homme », 1967) une peinture qualifiée de « portrait» lequel cache le coffre fort.
L’Histoire d’amour entre TC et l’experte des assurances finit dans une ile, où, geste grandiose, notre héros brûle son dernier (?) Renoir. 


Pour l’amour de l’art, (Two if by sea), Bill Bennett, 19  film australien avec brillant casting US.

Un petit couple de voleurs assez débiles vole un Matisse (« Odalisque à la Culotte rouge », valeur 4M$) au profit d’un vrai voleur vraiment amoureux de peinture, supposé mort. Un seul futé, l'ado à la vidéo .

Chasse à l’homme et courses de voitures, La fille s’exerce à la peinture de paysage en attendant le rendez vous. On découvre la collection des « vrais » camouflée par un mur de faux - des mêmes toiles. Les deux minables seront finalement dédouanés, le petit malfrat est invité à rejoindre le FBI.. Moitié nanar, et comédie de deuxième zone.



Petits meurtres à l’anglaise, Jonathan Lynn, 2010.


C’est un restaurateur de tableaux de la National Gallery qui copie un Rembrandt

en collaborant au vol de l’original. Dans le genre comique de ratages, avec l’inénarrable Bill Nighy en tueur professionnel. (Remake de 


Picasso est plus facile.

  La visite d'un truand à un autre faussaire offre des dialogues humoristiques de circonstance.



Cette liste est très incomplète mais : 




« POURQUOI FAIRE DE L’ARGENT AVEC DE L’ART QUAND ON PEUT FAIRE DE L’ARGENT AVEC DE L’ARGENT… »


La foire aux chimères ; Pierre Chenal, 1946.
Eric Van Stroheim, défiguré , devient faussaire de billets de banque pour trouver l’argent afin de soigner sa femme, aveugle. (Madeleine Sologne) On pleure, Eric aussi.
  Le cave se rebiffe. G.Grangier 1961.
 Maurice Biraud, graveur devient faussaire au profit du milieu, toute la clique et la verve d’Audiard:
Gabin, B.Blier, F. Rosay, au meilleur de sa forme.


Live and die in LA: (Police fédérale Los Angeles) , W.Friedkin, 1985 .




Palette même combat.
Jeune peinte doué, Nick Masters (!) Willem Dafoe, brule ses toiles pour se recycler comme faussaire de dollars. Poursuivi par un Policier nommé Chance. peu d'humour  cependant dans ce thriller violent, on assiste aux méthodes de flashage, corrections et impression, aux courses de voitures, aux meurtres 



 Ainsi que des vues de la production picturale des années 80.





Pour terminer, un vrai cas historique de vrais faux « institutionnels » d’un régime politique.








Les Faussaires.  film allemand de  Stefan Ruzowitzky . Oscar en 2008.

Fresque de Solomon.
Cette restitution de « l’opération Bernard », d’après une autobiographie d’Adolf Burger,  met en scène une reconstitution très réaliste des camps où les nazis avaient en 1944 sélectionné parmi les prisonniers juifs, des artistes, graveurs et techniciens de l’imprimerie afin de monter un atelier de faussaires capables de fabriquer des livres sterling pour ruiner l’économie de la Grande Bretagne. Le premier projet étant probant, la fabrication de dollars devenait une nouvelle priorité. 




Pour quelques livres de plus.


Le chef de l’équipe, Solomon Sorwitsch, ( incroyable tronche de l’acteur, Karl Marcovics ) avait été arrêté comme faussaire à Vienne. Remarqué par ses dessins dans le camp et « protégé » par le responsable du camp, il réussit en même temps à retarder la production, un sabotage de tout son groupe, au risque le l’exécution.. Libéré à la fin du conflit; il s’appropria quantité de faux réussis, qu’il dilapida dans les casinos…




La police scientifique a de l’avenir, et les collectionneurs quelque angoisse sur leur patrimoine.

La fin de Monet, une vision de la peinture contemporaine ? (Thomas Crown)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire