samedi 18 février 2012

L'ART CONTEMPORAIN dans le CINÉMA de FICTION: Années 60/70


Animation dans La Prisonnière, 1968
 En étudiant les artistes au travail dans le cinéma grand public, indépendamment du genre, drame ou polar, (pas toujours des chefs d’oeuvre), depuis les années soixante, il est possible de rejouer une histoire de l’art contemporain. Aussi schématique que caricaturale, cette histoire se restreint à ce que le public un peu « averti » peut (re)connaître.
Ainsi les grands mouvements artistiques, consacrés dans  les médias par les critiques et quelques scandales se repèrent dans une filmographie éclectique. Les cinéastes témoignent ainsi de la culture de leur milieu et des modes en cours dans une bourgeoisie aisée. La concordance de dates et de faits artistiques vaut pour leur actualité mais l’approfondissement des sources et des enjeux fait totalement défaut.  Dans la fiction, l’artiste n’est qu’une pièce ou un rouage dans un petit théâtre. Dans les références à l’art contemporain, il devient volontiers burlesque.

En France

Les artistes des années 40 et 50 étaient figuratifs, tristement académiques voire ringards :
Leur rôle, s’il est principal, participe de la psychologie du héros sentimental, incompris, brisé par l’existence ou du cynique mais philanthrope, ou encore pour les deux motifs une victime potentielle. Ce qui vaut autant pour des inconnus, que pour les noms que les biopics vont mettre en scène dans les années 80 et suivantes.
Le peintre suicidaire de Quai des Brumes, Carné 1938, qui « voit les choses derrière les choses » (des natures mortes, en somme) sauve momentanément Gabin. On ne verra que sa boîte de peinture, ce qui est le cas dans la plupart des films. (Le peintre de Lumière d’été, Grémillon, 1943, n’a d’autre issue que l’alcool).
Gabin sauve Bourvil de la Gestapo dans  La traversée de Paris, Autant-Lara, 1955, car les Allemands admirent sa peinture montmartroise.
Du coté de Montmartre et autres « poulbots », c’est Raymond Souplex qui donne de mauvaises idées à Bourvil dans Le Passe Muraille, J. Boyer, 1950.


En sculpture, les académies de Jean-Louis Barrault aveugle, L’ange de la nuit, A.Berthomieu, 1943, sont concurrencées par les nus fascisants d‘Edwige Feuillère, Il suffit d’une fois, Andrée Feix, 1946. Comédie de boulevard, presque féministe.





Dans les années 60, c’est le polar plus que la Nouvelle Vague qui renouvelle le regard sur l’art et le milieu de l’art. Un regard fort caustique en l’occurrence, car le genre policier humoristique se distancie du film noir des années antérieures.

On peut alors envisager la place des artistes de fiction contemporains dans le cadre plus large de la sociologie, une discipline qui se développe dans ces mêmes années et qui s’attache autant aux rôles qu’au contexte. La démocratisation des pratiques culturelles va de pair avec le développement économique des « trente glorieuses ». Les pratiques artistiques tendent à rapprocher l’art de la vie, un programme commun des deux cotés de l’Atlantique, dans des styles différents.

La métamorphose des cloportes, Pierre Granier-Deferre, 1965 : Lino Ventura, sortant de taule, et dont les collections (Bonnard, Dufy) ont été volées par le truand Pierre Brasseur, devient galeriste, à contre-emploi, et apprend (sur l’oreiller) le nouveau lexique de l’analyse des oeuvres pour vendre de l’abstraction type Nicolas De Staël. Dialogues fort savoureux sur le graphisme et le chromatisme dans la galerie où figurent Rouault et Matisse mais aussi Cobra, Jorn, Alechinski, Hartung et de la sculpture de métal. Parfaite contemporaneïté avec les oeuvres vendues dans les quartiers chics et le scénariste démontre avec humour la modification en dix ans du discours sur l’art.
 Sauf que : « Rien, aucun coup tordu n’atteint le niveau de truandage du marché de l’art ». Telle est la leçon prémonitoire donnée par Brasseur dans sa propriété devant « Le déjeuner sur l’herbe » de Picasso, version béton, 1960. Leçon qui inspirera les scénaristes sur la connexion entre art et argent, largement vérifiée dans la réalité et entre art et assassinat dans les polars au cinéma comme en littérature. Bien évidemment, Lino se fait rouler et sa vengeance le renvoie en prison.
On peut lire, avec délectation, Trois carrés rouges sur fond noir, de T. Benacquista dont le héros, accrocheur dans une galerie, se fait couper malencontreusement le bras par la chute d’un pseudo Arman, puis enquête sur les protagonistes d’un courant proche de Support-Surface ou des Objecteurs. Un vernissage à Beaubourg devient le révélateur du crime comme des stratégies du monde de l’art.

Des nombreux courants artistiques qui révolutionnent les traditions figuratives en France dans les années 60 en France, les deux plus connus sont d’une part une abstraction géométrique développée par le mouvement OP Art et l’art cinétique et d’autre part le Nouveau Réalisme théorisé par Pierre Restany. La rencontre dans ce groupe d’artistes aux pratiques très diversifiées à partir d’objets triviaux n’exclut ni le mouvement ni le corps.
Mais les deux tendances alimentent les critiques du journalisme non spécialisé, alors que les revues d’art et les galeries se multiplient.

Nouveau réalisme de fiction : parodies.

Claude Chabrol est le premier à mettre en scène l’art contemporain dans son rapport aux milieux bourgeois.
Dans  Les Godelureaux, 1960, les cousins Ronald et Arthur de Saint-Aubin, (Auteuil-Passy, collections très vieille France dans la villa) et leur bande des copains se livrent à des blagues de potaches dans des réunions bien-pensantes et font de l’agitation germano-pratine .


Un « vernissage » au Quartier Latin dans une petite galerie face à une boutique de couleurs et vernis : s’y produit un artiste italien, Mastroianni revu Dali, accroche-coeur et moustache en croc qui « empreinte » des corps de femmes sur une toile… 


Ses « pinceaux vivants » sont hélas vêtus de collants, ce qui n’était pas le cas pour les modèles des Anthropométries de Yves Klein en 1960. On repère d’autres références au « Vide » (aussi peu cinégénique que les monochromes blancs, une toile vierge fait le même effet) et quelques abstractions plus informes que gestuelles.
Les autres séquences ne manquent pas de charme ; entre une lamentable orgie romaine, une danse orientale par Stéphane Audran et Bernadette Lafont rejouant la chute du landau dans l’escalier, la veine satirique de Chabrol  se met en place avec ses acteurs fétiches. Ici Brialy, en dandy gay : «on peut se passer de boutons de manchettes ».
Certains autres de ses films intègrent des personnages d’artistes, non sans ironie. Le dessinateur industriel dans le Cri du Hibou est accusé d’avoir tué un certain Soulages.

Dans L’oeil du monocle, Lautner, 1962, Maurice Biraud, second ou troisième couteau, qui fut faussaire ailleurs, incarne un sculpteur qui bricole des « mobiles » inspirés de Spoerri et de Calder. Le dialogue sur la transformation de l’esthétique entre Paul Meurisse et Biraud est un grand moment de parodie des revues de l’art.
En 63, Lautner encore, Claude Rich bricole aussi des structures sonores dans Les Tontons Flingueurs. Compromis entre machines et des instruments de Lasry-Baschet, en vogue à l’époque.
Une veuve en or, Audiard, 1969 :un polar lamentable, avec tous les bons acteurs du genre.  Claude Rich  sculpteur vaguement pop et supposé mort pour cause d’assurance vie, dans le décor ultra-kitch d’une villa bourgeoise, se convertit au moulage de cadavres, en groupes statuaires, abondamment fournis par les différents gangs, devenant ainsi, selon la presse, le « nouveau Rodin ». Or il s’agit bien de se réapproprier les techniques du sculpteur hyperréaliste américain George Segal, dont les oeuvres, exposées en 63, commençaient à être connues en France.




Le « Réalisme objectif » faisant retour, le peintre (Charles Denner), style O. Hucleux, sera la dernière victime de Jeanne Moreau dans  La mariée était en noir, Truffaut , 1967.

 














Paris vu par, collectif, 1965. Le sketch de Jean-Luc Godard concerne l’atelier du sculpteur Hiquily (métal soudé) et l’incapacité des femmes à s’engager dans un travail artistique. L’actrice par clin d’oeil est Johanna Shimkus dont le rôle dans Les Aventuriers est précisément celui d’une femme sculpteur que l’on aperçoit aussi dans La Prisonnière.
Hiquily/Godard





Peut-être fallait il voir une référence
ironique à Support/Surface: analyse marxisante des mêmes techniques et outils chez le sculpteur et le carrossier automobile de Levallois.









Les aventuriers, Robert Enrico, 1966 : La jeune femme sculpteur qui s’installe dans une casse de demi-truands (Alain Delon et Lino Ventura) fait une démonstration du soudage de métal au chalumeau.

La technique fait directement référence aux procédés de César ou Arman, et de Tinguely pour les mobiles. Une artiste, Prix de Rome (?) est créditée au générique. Le personnage de Shimkus, physiquement proche de Niki de Saint-Phalle, en particulier 


lors d’un vernissage mondain caricatural, bien qu’en sous-sol à Rungis, où elle paraît vêtue en Paco Rabanne complète la compilation du Nouveau Réalisme. La critique étant désastreuse, l’artiste se reconvertit dans les casses ; fin lamentable au Fort Boyard.


 Citation de Niki de Saint-Phalle à nouveau dans un sketch du film américain : What a way to go (Madame Croque Maris) Jack Lee Thompson, 1963. La veuve (Shirley MacLaine) rencontre à Paris un sculpteur bohème, credo : « Le Louvre est la poubelle de l’art ». La voisine tire à la carabine dans des poches de peintures pour créer des « destructions » ; le voisin fait peindre un chimpanzé nommé Frida.


Paul Newman bricole des machines, branchées sur des niveaux sonores d'une "sonic palette" qui produisent des abstractions lyriques. 


Le succès venu dans les galeries, et avec lui une mégalomanie galopante,


le sculpteur devenu chef d’orchestre conçoit des machines monstrueuses dorées  animées de sentiments érotiques, elles se papouillent au lieu de travailler. « Je n’aurais pas dû les faire fabriquer  à Paris ». En rébellion, elles exécutent leur créateur. Veuve again...


La référence à Tinguely, dont on avait connu le Rotozaza qui perturba la circulation sur le boulevard Saint-Germain  en 1967 en éjectant des ballons colorés et ses autres dispositifs de création mécanisée, devient alors la base d’un grand délire à l’instar des peintures  « symphoniques » au format  américain, augmenté d’un zeste de fantastique.
Rappelons que Tinguely et Niki avaient en 1962, dans le désert de Nevada, mis en oeuvre des « Etudes pour la fin du Monde ».
La peinture à la carabine est une activité secondaire du galeriste des Demoiselles de Rochefort, J Demy, 1967, à retardement, car Niki utilisait depuis 63 d’autres techniques pour ses « Nanas » et des environnements monumentaux.

 OP ART et ART CINÉTIQUE.

L’autre courant des années soixante, déjà en germe depuis la fin de la guerre est l’art optique qui, refusant  l’expression de la sensibilité de l’auteur, exploite les recherches scientifiques, intègre la mécanique et l’électricité. Les oeuvres créent des sensations visuelles à partir d’un mouvement réel ou virtuel des couleurs. Vasarely est sans doute le plus connu de ces peintres.

La prisonnière, Henri Clouzot, 1968.
La modernité des oeuvres fait le principal intérêt du film.
Le scénario se situe dans le milieu des années 60 des mouvements Cinétique et OP Art.
Dans une version très « bazar » d’une Galerie Denise René revisitée : Vasarely et tous les cinétiques, Agam, Soto, Tomasello, Cruz-Diez, Pol Bury, Kowalski sont représentés, les oeuvres sont authentiques. 

Le labyrinthe du G.R.A.V (Morellet, Le Parc, Yvaral) 1967, créé à l’origine pour l’exposition « Lumière et Mouvement » au Musée d’Art Moderne, est reconstitué en sous-sol, et vu comme un kaléidoscope, 


Le jeune artiste ( B Fresson), sorti de la publicité et qui travaille dans un modeste appartement de banlieue (peinture Op et assemblages de cubes bleu/pastilles rouges), expose dans la galerie de Hassler (Laurent Terzieff) une « rotation » de cubes blancs à reliefs.


Au vernissage de circonstance, dans le festival de tous les acteurs connus, de Piccoli, P. Richard, C Piéplu à Ch.Vanel, apparition de J. Shimkus. En théorie, Hassler expose une défense et illustration de la notion de multiples, pour une démocratisation de l’art (de fait à cette époque, Prisunic avait lancé une gamme d’objets et de sérigraphies). L’exposition à Düsseldorf concrétise l’objet du conflit usuel artiste/galeriste. Les affiches au mur suggèrent la filiation du cinétisme avec le constructivisme. Dans le montage des effets on perçoit la référence à Moholy-Nagy. De ce point de vue, le film est valide. Le scénario l’est moins.
L’appartement luxueux du galeriste recèle une collection très éclectique, sculptures et objets chinois indiens africains et oeuvres contemporaines Bellmer, Dubuffet, Malaval, saturation complète de l’espace. « C’est bien ce Vasarely, on dirait une cage ». Hassler photographe voyeur et névrosé séduit et utilise Josée la compagne de Fresson, monteuse travaille sur des enregistrements de femmes soumises, pour des films SM. 

Dès le pré-générique, le glissement de l’appareil qui passe d’une tête Fang à des poupées Barbie et pires en passant par un mannequin pour artistes annonce la compulsion érotomane de Hassler.
Suit une très mauvaise séquence psycho dans une escapade bretonne (tempête sur la falaise et cimetières de bateaux plus que repeints), musique de Mahler. Drame de la jalousie et crise névrotique.

La fin du film -Josée à l’hôpital- est illustrée par une animation fantasmo/cinétique et vertigo/épuisante pour le spectateur. Clouzot expérimente alors des effets spéciaux  destinés à « L’enfer »,  les oeuvres des différents artistes y sont combinés aux flash-backs.
Le directeur de la photo et les décorateurs ont poussé à l’extrême le style : les couleurs déterminent tous les objets dans les contrastes primaires op art, des secondaires en orange vert ou violet ; vêtements rayés (pas toujours seyants). La vision du corps à travers un verre dépoli comme les vues du train transforment le monde en une expérience cinétique généralisée. C’est la vie qui imite l’art, or c’était la proposition d’un autre courant artistique.

Une dernière référence, l’atelier de Dewasne, autre peintre du courant Op art a servi de décor pour une séquence de Jane B. par Agnès V, 1987. 



Le dialogue entre Birkin galeriste et Léotard peintre vaut pour une petite leçon de socio-économie de l’art et l’argent en forme de gentils jeux de mots sur les noms les plus connus. Money/Monet, Avida Dollar, etc.. , mais cite aussi le bleu des Piscines de David Hockney.





Le cinéma français des années suivantes traite surtout des conflits intérieurs et marchands de jeunes artistes non reconnus et quelque peu caractériels. La production artistique très hétérogène correspondant au boom du marché, aucun courant majeur n’est directement visé. Seul, le peintre François Arnal, trente ans après Support-Surface,  réapparaît, live, dans  Au plus près du Paradis, Tonie Marshall, 2002.

Arnal au travail
Voir L’art actuel en France, Anne Tronche, Hervé Gloasguen, ed. Balland, 1972 qui concerne la décennie 60.

GRANDE BRETAGNE. POP.


David Hockney, from A bigger Splash
Les cinéastes anglais, on l’a vu antérieurement , ont contribué à l’invention du biopic (Carol Reed, 1965, ou Peter Watkins, 1974), or la tradition documentaire et l’attention aux classes populaires du Free Cinéma orientent les auteurs vers une étude sociologique que les dernières décennies ne peuvent que conforter. Peu d’artistes plasticiens figurent dans les films, qui en revanche exploitent le milieu de la musique et de la mode. Quel que soit son domaine, l’artiste devient un « Go-Between » entre son origine sociale et le monde de l’argent. 

Blind date (L’enquête de l’inspecteur Morgan) Losey, 1958 est le premier film qui met en scène dans le rôle principal un jeune peintre immigré hollandais, Jan (Hardy Kruger) qui défend une peinture figurative sociale (voire socialiste). Représentation des ouvriers mineurs, des chantiers. La composition d’une des toiles est comparable aux dessins et reliefs de Raymond Mason.

C’est l’origine prolétarienne commune à l’inspecteur et au peintre qui permet d’ouvrir l’enquête en direction de la gentry et d’élucider le meurtre dont est accusé le peintre. Lady Fenton (Micheline Presle) qui suit des cours et « succombe » aux charmes du héros pris comme bouc émissaire illustre l’analyse des rapports de classe dans la société anglaise, ce qui intéresse principalement le cinéaste.
C’est peut-être aussi la dernière représentation figurative directe du prolétariat dans l’art.

L’artiste, premier ou second rôle incarne un esprit libre et des moeurs non conventionnelles.
L’homosexualité apparaît  comme une caractéristique de cette activité :
Les deux modèles historiques de Francis Bacon, que John Maybury met en scène en 1994 dans Love is the devil et de David Hockney, A bigger splash, Jack Hazan, 1974, (voir un chapitre précédent, Biopics et autofictions), ont surdéterminé la représentation des artistes  à un genre très médiatisé. Toute allusion aux rapports homosexuels a valu l’interdiction aux mineurs des films en salle. Autres temps !
L’art optique est moins présent que le POP ART dominant dès les années 60 et 70 en Angleterre ; les aspects géométriques, chromatiques et cinétiques sont mêlés.  Blow Up, Antonioni, 1974, le démontre.
Le Pop, et la musique pop et rock  du « Swinging London » constituent  l’ambiance et le décor des films.  Les chanteurs deviennent acteurs, pas uniquement dans les opéras. Les Beatles figurent dans les films de Lester, puis dans Yellow Submarine, Dunning, 1968, les animations et décors s'inspirant de la BD.

I’ll never forget what’s is name, Michael Winner, 1967 : Marianne Faithfull  apparaît  dans un récit qui met en cause la puissance des groupes financiers dans la publicité (Oliver Reed contre Orson Welles). La galeriste d’art expose de l’art optique.
 Murray Head incarne Bob Elkin, le jeune sculpteur concepteur de machines  cinétiques et lumineuses de Sunday bloody sunday (Un dimanche comme les autres), J Schlesinger, 1971.




Bob se partage entre le médecin juif (Peter Finch) et la grande bourgeoise (Glenda Jackson) qui fréquentent  aussi un milieu socio-humanitaire ouvert : le professeur noir dans la famille nombreuse dont le chien Kenyatta joue le moment tragique. En fond sonore, le trio des adieux de Cosi Fan Tutte, contre les tubes du juke-box (un objet détourné aussi indissociable du pop que le flipper).



Juke box et machine à dessiner


Le Pop Art,  décors, tableaux et  design mobilier cadrent les débordements violents d’Alex et ses Droogs dans  A clockworld Orange ( Orange mécanique), de Stanley Kubrick, 1971 : 


l’hyper sexualisation des peintures et objets culmine dans le meurtre de la femme aux chats, éventrée  par le phallus géant en culbuto. Si la sculpture de Barbara Hepworth, ou de Brancusi a pu faire scandale,


la littéralité des moulages en résine concourt au vrai sujet du film, liberté individuelle et violence et psychiatrie. 


On n’entend plus Beethoven de la même façon après...

Le cinéma de Ken Russell , principalement construit sur des vies d’artistes, est conditionné par le pop. Dans le film Savage Messiah (le Messie sauvage) 1972, consacré au sculpteur Gaudier-Brzeska (1891-1915) les performances du mouvement Vortex,

La Maja nue parlante
proche de Dada et du Futurisme  sont revues (Derek Jarman, décorateur avant de devenir cinéaste) par l’esthétique pop : Helen Mirren en suffragette y est craquante.

 Savage Messiah 

 L’opéra rock des Who, Tommy, 1975, (casting incroyable de musiciens dont Eric Clapton, Elton John et Tina Turner) intègre tous les décors et objets Pop Art :
Un  flipper  trouvé dans une casse détermine la vocation du malheureux Tommy  (Roger Daltrey) sourd et muet après un traumatisme d’enfance (le méchant beau-père, Oliver Reed  se révèle chanteur et danseur). 


Le son revient, après que le héros soit passé par quelques révélations : Marilyn, icône importée du pop américain, selon Warhol, puis détruite;







un trip dans une sorte de Vierge de Nuremberg high tech, sous acide.








Nombreuses citations du Pop Art, en outre, la mère se livre a une  parodie des premières performances boueuses des artistes féministes contemporaines.


  Fin en apothéose trans-religieuse.




Leigh Bowery



Les quelques films anglais postérieurs semblent bien pâles en comparaison :
On note cependant les collages de A.Molina, l’amant de Gary Oldman dans Prick Up your ears, Stephen Frears, 1987. Une date qui correspond aux performances trash du styliste Leigh Bowery, par ailleurs modèle de Lucian Freud, dans le milieu post-pop.

La diffusion internationale du Pop Art se vérifie dans un film italien, hors catégorie, et déjà cité, Un coin tranquille à la campagne, Elio Petri,  1969. Peintures de Jim Dine, un artiste américain du pop art qui résidait à Londres.
Le peintre milanais Leonardo (!), incarné par Franco Nero, se retire dans une villa Palladienne pour créer hors de la pression de sa maîtresse et galeriste Vanessa Redgrave. De névrose en fantasmes, le film devient fantastique : fantômes, meurtres et spiritisme dans le milieu véronais (avant Dario Argento) alternent avec les scènes d’atelier qui reprennent la technique des empreintes à l’aérographe, les séries de photographies négatives/positives solarisées. Autant de pratiques datées qui renvoient aux courants artistiques contemporains dans la catégorie thriller.




Suite de l’histoire de l’art des années 50/70 aux Etats-Unis dans une prochaine livraison.